J'y arrive enfin! [libre]

Sa question m'étonna quelque peu, mais je continuai de sourire. Toujours fixée sur mes mains, je repensai à toute mon enfance et à tout ce qui m'avait amené jusque là. Les critiques que j'avais dû entendre pour être "parfaite", les reproches, les sous-entendus publics. Finalement, j'avais tout de même enduré une jolie torture mentale. Mais enfin, elle était amusante, cette torture... Au moins, je savais mentir, faire bonne figure et... Tout ce qui allait avec.
Je tournai enfin la tête vers lui, toujours souriante.

-Je n'ai jamais appris, non. Ca ne m'intéresse pas trop... Ou alors, si je devais réellement en faire... Je pense que je pencherais pour des armes anciennes.

Je penchai légèrement la tête sur le côté, et étirai mes mains devant moi.

-Mais enfin, je ne serais vraiment pas douée pour me battre, ce serait inutile !

Le fait qu'il répète à deux reprises que savoir maitriser les armes était inutile m'interpela. Lui qui avait tant l'air d'aimer ça disait que ça ne servait à rien...? Voilà qui était assez étrange... Je laissai mes mains retomber le long de mon corps et je tournai la tête vers lui, interrogative. Il fixai le reste de la cour, et je me demandai à quoi il pouvait bien penser.

-Tu sais... commençai-je alors. Ce n'est pas parce que je ne suis pas passionnée par les armes que tu dois dire que ça ne sert à rien.

Je continuai à l'observer, cherchant vainement à savoir où il voulait en venir en disant cela. Sur le coup, je ne le comprenais pas du tout. J'avais l'impression qu'il y avait quelque chose derrière ses paroles. Etait-ce en rapport avec sa vie avant d'arriver ici ? Je n'en avais pas la moindre idée... Et c'est ce qui me perturbait.
Bien sûr, ce ne fut que trop tard que je me rendis compte que je me posais, moi, des questions à son sujet. Et que je cherchais, moi, à le comprendre...

-L'avis des autres est si peu important quand on aime ou tient à quelque chose. Si les autres ne partagent pas tes goûts, tu n'es pas obligé de t'abaisser à leurs niveaux... Chacun aime ce qu'il veut et c'est ce qui crée tous ces êtres différents les uns des autres, non...?

Je sentis mon rire m'envahir de nouveau, et je tentai de calmer ces légers soubresauts. Je posai une main sur mes yeux, me trouvant vraiment idiote de rire pour quelque chose d'aussi... Banal. Mais je crois que c'était sa façon de s'exprimer, de parler... Je le trouvais tellement adorable dans sa manière d'expliquer ce qu'il pensait que je ne pouvais m'empêcher de rire.
Au bout de quelques instants, je parvins à me calmer. Je ne le regardai pas tout de suite, persuadée qu'il allait m'observer avec des yeux ronds. Je devais vraiment être une fille énervante, l'air de rien...

-Tu sais... Si toi tu aimes te battre pour le plaisir de se battre, pour le plaisir des armes et non de la violence, je suis sûre que tu trouveras toujours quelqu'un qui pense comme toi et qui idolâtre les arts martiaux pour la même raison. Dans ce cas là, ça ne servira pas à rien, car ça te rendra heureux. En plus, je suis certaine que tu as déjà rencontré des gens comme ça ! Rien que dans cet endroit, les gens doivent tous être aussi bons que toi, j'en suis persuadée.

Je souris, fixant le sol à mes pieds. Ma peau blanche brillait presque à la lueur du soleil, et j'observai avec amusement les rayons dorés apportés par cette étoile brûlante. Encore une de ces choses qui me paraissait fascinante... Tout ce qui intéressait bien peu les autres personnes. Ces aristocrates obnubilés par l'argent et les dépenses, sans aucun autre centre d'intérêt que le travail...

-De toute façon, ceux qui résolvent les problèmes par la violence sont des gens idiots.

Combien de fois avais-je vu des hommes se battre simplement pour "l'amour" d'une femme...? Pour prouver qu'ils étaient les meilleurs, qu'ils pouvaient tout régler par la violence ? C'était tellement vulgaire ! Tous ces combats simplement pour choisir le meilleur d'entre ces idiots... Tous les fiancés probables de Zhen Ji en étaient arrivés à ce point, et j'avais catégoriquement refusé que mon Père cherche à reproduire la même chose pour moi. De toute façon, j'étais bien trop jeune pour me fiancer... De plus, c'était une manière de fonctionner tellement ancienne ! Deux entreprises marchent, alors les aînés de la famille se marient... Quelle idiotie ! Que de bêtises !
Je poussai un petit soupir.

-Et personnellement, je ne supporte pas ce genre d'imbéciles.

Sa dernière question me perturba un instant, et je dus réfléchir un instant pour comprendre où il voulait en venir. J'étais tellement dans mes pensées que j'avais totalement oublié...
Je soupirai, puis secouai la tête en signe de négation. Je n'avais pas envie de dire la vérité... Ca ne servait à rien. Et il ne saurait jamais que j'avais menti... Puisque de toute façon, on ne se parlerait plus jamais comme aujourd'hui.
Je tournai la tête vers lui avec un petit sourire, observant sa lame du coin de l'oeil.

-Non, je n'ai jamais connu ça. Mais je sais que si je connaissais des personnes qui se battent inutilement, je détesterais ça. J'en suis certaine.

Je continuai à lui sourire, ne sachant plus trop quoi dire.

-C'est toi qui l'a forgée ? demandai-je en désignant le katana du menton.

Un... Valar ? Je n'avais pas la moindre idée du genre de personne que ça pouvait être... Plus ça venait, et plus je me rendais compte que je vivais dans un nouveau monde dans lequel j'étais une pure inconnue. Une touriste qui aurait visité sans guide... Il me demanda si j'avais déjà rencontré quelques personnes ici.
Des gens... Il était la deuxième personne que je rencontrais. Je fis non de la tête, puis me décidai à ajouter :

-J'ai rencontré une fille aussi... Je ne me souviens plus de son nom. Elle avait un tigre blanc avec elle...

La première personne avec qui j'avais été désagréable... Et la première personne à m'avoir étonnée dans sa bonté. Elle avait vraiment chercher à converser, alors que je ne voulais même pas...
Je rajoutai, les yeux fixés sur le sol :

-Je l'ai rencontré juste avant toi, il y a quelques heures.

Son ton inquiet me surprit un instant et je souris, amusée. Je me demandai sur quoi est-ce qu'il se basait pour poser cette question. Avais-je l'air... Triste ? Ou je ne sais quoi d'autre ? Je n'en savais que trop rien, ce qui me perturba. Je ne savais plus ce que j'avais en ce moment... Je continuai cependant à sourire, et tournai la tête vers lui.

-Si, si, bien sûr que ça va ! T'inquiète...

Je me figeai un instant. J'allais le dire... J'allais dire ces trois petits mots que j'aurais voulu dire à mes parents toute ma vie.

-...pas.

Ce dernier mot resta un instant coincé dans ma gorge, incapable de s'échapper. Je secouai alors brusquement la tête pour me remettre, une fois de plus, les idées en place, avant de lui sourire à nouveau, plus confiante.

-Je n'ai rien, vraiment.

Je me remémorai alors vaguement sa première question, en rapport avec cette fille que j'avais rencontré, et acquiesçai alors. C'est vrai... J'avais été étonnée par cette couleur de cheveux, et pourtant, j'avais oublié de la décrire comme ça...

-Oui, c'est ça. C'est elle.

Heren... Quoi ? Je ne compris pratiquement rien à ses dernières paroles, si ce n'est que j'appris, ou me remémorai, le nom de cette fille que j'avais rencontré. Mais je n'avais pas envie de savoir ce que ces gens étaient... Ils étaient 4, elle l'était l'une d'eux... Et ça me suffisait amplement.
Je souris cependant en observant son sourire. Un silence s'installa à nouveau. Je poussai un faible soupir et me levai du banc. La conversation s'était bien terminée, et il était préférable de la terminer ainsi plutôt que de continuer en risquant de lui en laisser un mauvais souvenir.
Je me tournai vers lui, souriant avec sérénité. Je penchai doucement la tête sur le côté, acte qui me surprit moi-même. Je n'en laissai rien paraître et déclarai calmement :

-Il est temps pour moi de te laisser.

Nouvel acte qui m'étonna : je posai une main sur sa tête et lui ébouriffai les cheveux, chose que je n'avais auparavant fait qu'à mon petit frère... Avec que ce garçon devant moi était plus âgé que moi.
Un dernier sourire, et je fis volte face, m'éloignant pour me diriger vers les dortoirs, espérant les trouver sans chercher durant une période indéfinie.
A quelques mètres de lui, j'ajoutai doucement :

-Je pense qu'on ne se croisera plus... Ou alors, si ce jour arrive, tu me détesteras alors... Garde un bon souvenir de cette rencontre, c'est tout ce que je souhaite.

Et sur ces derniers mots, je partis.