Il parait qu'ici, on peut manger à volonté, et de tout ce qu'on veut... C'est vrai ? (libre)

Je traversai les couloirs de l'étage numéro... Bah, de toute façon, je ne savais même plus à quel niveau j'étais. Dans cet endroit immense, j'étais totalement perdue et je n'avais pas le moindre repère.
Au fil des rencontres et grâce à certaines conversations que j'avais pu entendre par ci par là, j'avais appris pas mal de choses sur cet endroit, comme, par exemple, l'existence de cette... Cafétéria, cet endroit où l'on pouvait avoir tout ce que l'on voulait pour manger.
Se restaurer jusqu'à ne plus avoir faim... Voilà une chose à laquelle je n'avais plus eu droit depuis longtemps. Depuis... Toujours, à vrai dire. Lorsque je vivais avec mes parents, nous n'avions pas d'argent... Et lorsque j'étais arrivée chez mon Maître, j'étais trop sotte et trop maladroite pour mériter véritablement quelque chose.
Déambulant à travers les couloirs, j'étais finalement arrivée devant cette porte que je recherchais : celle de la cafétéria. De l'autre côté de cette porte, s'offrait à moi un buffet un volonté, où je pourrais manger tout ce que je désirais, tout ce que je voulais et tout ce dont j'avais besoin. Il me suffisait de... Choisir.
Pour la première fois de ma vie, j'avais le droit au choix. C'était quelque chose de tellement inconnu pour moi que je me demandais encore si tout ceci était la réalité. Mais cependant, même si le doute m'était encore permis après ma rencontre avec Ireyelle, il devait bien s'être totalement éteint après avoir discuté avec Lifaen, non...? Deux... Deux êtres si gentils, ça montrait bien que tout ce monde était différent de ce que j'avais connu avant, non...?
Mon coeur s'agita doucement dans ma poitrine au moment où quelqu'un passa devant moi pour entrer précipitamment dans le self, me bousculant au passage.
Trop maigre pour avoir un équilibre correct, je titubai quelques instants avant de redevenir stable. Je fis un pas en direction de la porte. Deux. Je posai ma main dessus, ouvris... Et j'entrai finalement.
Tout était grand, immense, et tous les plats que j'apercevais me semblaient délicieux. Beaucoup de gens étaient à table, et vu le soleil qui s'éteignait petit à petit, il était sans doute l'heure de dîner.
Mais avais-je le droit ? Pouvais-je vraiment goûter à cette nourriture, avais-je le droit d'oser faire ça ? N'allais-je pas être puni ? Mon Maître ou l'un de ses amis ne risquait-il pas d'arriver de nulle part pour me punir ?
Je déglutis, et me mordis la lèvre en entendant mon ventre gronder.
Juste un bout de pain... Je prendrais juste ça, c'est promis. Ne me grondez pas pour mon audace... S'il vous plaît.
J'inspirai un grand coup, avançai à grand pas vers une corbeille à pain. Je pris un bout déjà coupé, et m'éloignai vers la sortie, quand j'entendis du bruit plus loin. Surprise, je sursautai, et me retournai, faisant tomber dans mon élan la corbeille de pain. Mon coeur se serra brusquement.
Non...
Non...!
Je m'accroupis immédiatement, ramassai la corbeille et me précipitai sur les bouts de pain pour les remettre à l'intérieur. Quelle idiote... Quelle idiote... Mais quelle idiote, vraiment !

Alors que j'allais remettre dans la corbeille les derniers morceaux de pain, une main les ramassa à ma place pour les ranger, avant de se tendre dans ma direction pour m'aider à me relever. Je levais les yeux vers cette personne qui m'offrait son aide, surprise et déboussolée. J'écoutai ses paroles, et repensai aux échanges que j'avais déjà pu avoir avec Lifaen et Ireyelle. J'avalai doucement ma salive, et posai avec hésitation ma main dans la sienne. Je la laissai m'aider à me relever, et retirai dès que possible ma main de la sienne, essayant de la déranger le moins possible. Je reposai la corbeille sur la table, regardai partout autour de moi, prise par la peur, puis reportai mon regard sur l'inconnue avant de baisser les yeux sur mes pieds.

-Mais c'est que... Je... Je suis tellement maladroite...

Je relevai la tête vers elle, forçai un petit sourire.

-Enfin, euh... Désolée... Désolée de t'avoir dérangée avec mes bêtises... Excuse-moi.

Sa bonne humeur et son sourire éclatant me surprirent d'abord, mais je fus bien vite charmée. Je me sentis doucement rougir et je secouai doucement la tête, tentant de reprendre mes esprits.

-Euh, je... Je m'appelle Aishi, et toi...?

Je relevai les yeux vers elle, interrogative.

-Toi aussi... Ca t'arrive souvent de faire tomber des choses ?

Alors elle était peut-être comme moi ? Elle me comprendrait peut-être ? Oui, elle savait sans doute ce que c'était d'être inutile et maladroit, d'être un poids, un boulet pour les autres. Peut-être qu'elle avait eu un Maître, elle aussi ?

Très maladroite...? Casse des choses parfois...? Ses paroles continuaient encore et encore à résonner en moi, intarissables. Tout ce qu'elle put dire après ne me parvint jamais à l'oreille, j'étais complètement déconnectée de ce monde, enfermée dans le mien, prisonnière de mes pensées incessantes.
Elle était comme moi. Non...? Elle était comme moi, mais... Elle disait tout cela avec aisance. Sans peur, sans craindre de se faire punir. je la défigurai un instant, me perdant dans le bleu de ses yeux, incrédule. Je finis par ravaler doucement ma salive, lui demander :

-Ici... Ici aussi, il y a des gens comme ça ? Des gens qui te punissent lorsque tu fais quelque chose de mal ?

Les larmes me montèrent aux yeux et je m'accrochai à sa manche, le cœur agité, en proie à la panique.

-Tu te fais battre, toi, lorsque tu fais une bêtise ?!

Je baissai la tête, fixai mes pieds, la lâchai, laissant mon bras retomber le long de mon corps.

-Réponds-moi s'il te plaît... Réponds-moi...