Puisqu'il est prévu que je reste ici, continuons à découvrir les lieux... (privé)

Super. Je suis coincée. Je la déteste. Elle aura beau me fixer avec cet air souriant, ça me bouffe déjà tellement d'énergie de ne faire que remuer mon ombre, que si je prends la sienne sous son emprise, mon pouvoir sera tellement faible qu'elle découvrira que je ne suis pas Valar.
Et si je le fais à pleine puissance, mais pas longtemps ?
C'est peine perdue, je ne sais même pas doser la puissance de mon pouvoir.
Je soupirai, et me repris vite pour lui adresser un grand sourire gentil (intérieurement, c'est plutôt un sourire haineux...), calmant parallèlement mon ombre avant de l'élancer pour prendre possession de la sienne. Allez, courage. Tu sais gérer ça Diao. Ne sois pas ridicule !
Je levai mes mains, et les entremêlai devant moi, croisant mes doigts, m'étirant. Allez, maintenant, ma jolie mignonnette petite Beni... Fais la même chose.

Son regard, non, ses regards, piquèrent mes nerfs à vif. J'étais tellement énervée que ma colère chassait la honte qui avait tenté de m'envahir quelques secondes plus tôt. Plutôt que d'être déçue par mon propre geste, je haïssais cette fille qui venait de me réduire à l'état d'ignorante, de... menteuse, et d'idiote. Les termes n'étaient que véritables, mais ils suffisaient à me pousser dans une rage presque inhumaine. En l'espace de si peu de temps, elle avait réussi à m'humilier ouvertement.
Un rapide coup d'oeil dans les environs me permit de souffler un coup. Personne d'autre qu'elle n'avait assisté à ça.
Face à son regard insistant, je gardais le silence. Qu'attendait-elle ? Des explications ? Des excuses ? Et puis quoi encore ? Elle voulait que j'avoue honteusement que je lui avais menti pour me divertir ? Que je l'avais pris, d'une certaine façon, pour un objet qui ne servirait à me faire sourire ? Mais bien sûr.
Je n'étais pas bête à ce point.
Elle avait beau être déçue, blasée, je n'en avais fichtrement rien à faire. Ce qu'elle pensait m'importait peu, car même si ma "réputation" ici finissait par être entièrement salie, je savais que je pourrais retourner chez moi, me libérant de ses pouvoirs. Je pourrais retourner dans ma cage dorée, dans mon royaume, où j'étais la grande et puissante Princesse, n'ouvrant la bouche que pour donner des ordres qui seraient exécutés dans les secondes suivantes.

Je me stoppai subitement, tournant la tête vers elle, la dévisageant, sans comprendre. Pardon ? Elle me... quoi ? J'écarquillai les yeux et la fixai, cherchant à identifier le sens de ses paroles. Réalisant que la réponse ne viendrait jamais, je secouai la tête, poussai un soupir, et repris la marche.

-Ne me remercie pas. Tu ne me dois rien. Maintenant, j'aimerais rentrer, s'il te plaît. Je n'ai pas besoin de ta sympathie...

Il faudrait vraiment qu'un jour on m'explique. Que je puisse saisir la raison de son comportement. Parce que là, je suis dans l'impasse.

-Tu n'es pas obligée de "bien m'aimer".

Quels avaient été ses mots, déjà ? Ah. Oui. "Je ne vais pas te retenir plus longtemps". Alors cesse de trouver des qualités dans des défauts, arrête de me regarder avec ces yeux-là et réprime ces sourires. Tu m'agaces, il faut te le dire en quelle langue ?
Je poussai un long soupir, décidai de l'ignorer.

-Hn... répondis-je simplement.

Après tout, peut-être qu'être honnête et directement ce qu'on pense, c'était toujours mieux que jouer les faux-cul, mais de là à dire que c'était une qualité... J'aurais aimé savoir qui pensait la même chose. Il fallait vraiment être mal dans sa tête. Peut-être qu'elle pensait avec ses pieds ? Bah, c'était pas franchement intéressant à découvrir.

-Je préfèrerais que tu me détestes, tu sais. C'est complètement débile de m'apprécier.

Je la fixai, incrédule, et ne fis pas le moindre geste jusqu'à ce qu'elle soit hors de mon champs de vision. Un long soupir m'échappa malgré moi. Comment ? Comment pouvait-elle être si active, si... Gentille, étrange ? Il n'y a pas 5 minutes, elle venait d'éclater en sanglot, et voilà qu'elle souriait et riait à pleine dent, dans l'espoir de me revoir bientôt ? Je ne la comprenais pas ! Pourquoi tout le monde était aussi étrange ici ?
Je me tournai, et observai le verger, en silence. J'aperçus plus loin les pommes qu'elle avait laissé là, sans doute oubliées dans son élan. Je soupirai, et m'approchai, m'accroupis à côté. Je pris une pomme entre mes mains, et la tournai lentement, pensive.
J'avais beau avoir été froide à l'instant... J'avais changé, moi aussi. J'avais changé, et plus que je ne le croyais.
Sinon, je n'aurais pas réfléchi à tout ça, et j'aurais oublié cette fille à la minute où elle se serait évaporée.