Cauchemar et mauvais rêves. (privé)

Je sursautai en entendant la voix de mon frère derrière moi. Je me retournai, le chercher du regard, sans jamais l'apercevoir. Je l'appelai, criai son nom, de plus en plus inquiète en remarquant à quel point la maison était vide. Me guidant au son de sa voix, je parcourrai les couloirs, ne trouvant jamais la bonne pièce. Il était tantôt en haut, tantôt au rez-de-chaussée... Plus ça venait, plus je désespérais de le trouver. Après tout... Pourquoi n'aurait-il pas pu... se téléporter, je ne sais pas ? J'avais été capable de contrôler son ombre...
A bout de souffle, je m'arrêtai dans la cuisine, appuyai mes mains sur mes genoux pour récupérer mon souffle, et, une fois mon rythme cardiaque rétabli, j'appelai son nom, lui ordonnai d'arrêter son petit jeu.
Il entra par une porte que je n'avais pas encore emprunté. Une porte que je n'avais même pas vu... Et la pièce à laquelle elle semblait mener était si sombre ! Si noire ! Il me fixait, avec un regard que je ne lui connaissais pas, plein de haine et de reproches, s'avançant lentement vers moi d'un pas lourd. Lorsqu'il s'arrêta à quelques mètres de moi, un sourire, affreux et rancunier, vint étirer ses lèvres. Le plus horrible, c'est que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas ce que j'avais à faire ici. Je ne comprenais pas pourquoi mon frère était comme ça. Je ne comprenais pas !
Les murs autour de moi commencèrent à se resserrer, et la porte par laquelle j'étais entrée disparut, laissant place à un mur. C'est seulement à cet instant que je compris qu'il s'agissait d'un rêve. Un mauvais rêve. Incapable de reculer d'avantage, collée au mur, j'inspirai un grand coup, et fermai les yeux, me pinçai, me poussais à me réveiller. Mais rien. Rien. Quand je rouvris les yeux, il était encore là, devant moi, le regard rancunier, les mains, nerveuses d'attendre pour passer à l'action.
Et j'avais peur de cette action. J'avais peur de ce qu'il allait faire, alors que je n'en comprenais même pas la cause. Je me mordis la lèvre à sang.

-Shao, tu...
-Il est venu, Diao. Il est venu...

Il planta ses yeux dans les miens, et mon coeur rata un battement. Les sens en alerte, je le fixai, incrédule, et sursautai lorsque je le vis prendre un de ces longs couteaux épais. Il examina la lame, puis reposa son regard sur moi, souriant à présent avec tristesse.

-Quand tu es partie pour cet endroit, après avoir révélé les mêmes pouvoirs que ceux de notre ancêtre qui avait fait perdre à notre famille ce caractère royal, Il est venu. Il a dit qu'il voulait ta main, mais Père a dit que tu n'étais pas là pour le moment, que tu étais en voyage avec ton amie Zhen Ji.

Je continuai à le scruter, sans comprendre où est-ce qu'il voulait en venir.

-Mais il a retrouvé Zhen Ji, et il l'a questionné. C'était un homme grand, musclé, et son visage n'avait même pas de traits chinois. Lorsqu'il a compris que Père mentait, il est revenu avec Zhen Ji qui affichait une mine d'excuse. On a compris qu'elle n'avait pas eu le choix. Il nous a accusé d'être des menteurs, de lui cacher la vérité pour l'empêcher de se marier à toi. Il s'est emporté. Sur un excès de rage, il est monté dans ta chambre, a démoli la porte qui était verrouillée, et, lorsqu'il a vu qu'elle était vide, il s'est sauvagement retourné, et à pousser Père, et lui ordonnant de lui dire où tu te trouvais. Sauf que derrière lui, il y avait les escaliers...

Il commença à jouer avec le couteau dans ses mains, tandis que ma respiration, de plus en plus saccadée, relevait ma poitrine avec irrégularité. C'était un cauchemar, un cauchemar ! Je ne devais pas le croire, je devais oublier, jouer à la sourde oreille ! Mais ses paroles entraient dans une oreille sans se décider à ressortir de l'autre.

-Père est tombé, a dévalé chaque marche, une à une. Lorsque les médecins l'ont examiné, il était trop tard. Après ça, Mère n'a plus souri. Après quelques semaines, elle s'est suicidé, n'y tenant plus.

J'écarquillai les yeux, refusant d'y croire, refusant d'écouter mon coeur qui menaçait de me lâcher à tout instant, ignorant la sueur qui perlait sur mon front, en proie à la panique.

-Mais je ne suis pas partie assez longtemps pour que tout ça n'arrive !
-Tu rigoles ? Ca fait 1 ans. 1 ans que tu nous as laissé, que tu nous as abandonné. Tu n'as donné aucune nouvelle. Zhen Ji t'envoie des lettres chaque jour en espérant pouvoir obtenir une réponse. Mais rien. Tu ne fais rien !
-Mais je n'ai jamais reçu une seule carte !
-Menteuse ! Mais je ne suis pas là pour ça. Aujourd'hui je vais te faire payer. Car tout ça est arrivé à cause de toi... Si tu n'avais pas été là...
-Shao ! Non, attends !
-Attendre ? Je n'en peux plus d'attendre ! Combien de temps t'ai-je déjà attendu ? Et maintenant que tu es là, tu veux en plus que je t'attende ? Non, sûrement pas... Ils me manquent trop Diao. Nos parents, ou tout du moins les miens, me manquent trop. J'ai besoin d'eux, moi. J'irais les rejoindre. Et je n'attendrais rien. Je vais aller les rejoindre, là, maintenant, tout de suite. Devant toi.

Un sourire triste étira son visage, tandis que je criai son nom, m'époumonai pour le garder là, en vie. Mais c'était trop tard. Le couteau était bien là. Dans son coeur. Le sang gouttait sur le sol. Les larmes perlaient sur mon visage. C'était de ma faute. De ma faute. Qu'avais-je fait de bien dans ma vie ?
Le dernier souvenir que j'avais d'eux, c'était leurs mines agacées tandis que je les forçais à céder à un nouveau de mes caprices. Le dernier souvenir que j'avais de lui, c'était son visage torturé par la douleur, le couteau dans le coeur. Son visage effrayé face à ma colère, alors que j'étais fautive, complètement fautive, étant la responsable de chacun de ses mouvements.
Et j'avais mal. Juste là, dans le creux. Dans le coeur. Je saignais. Et je pleurais leurs vies envolées.

A chaque fois qu'une goutte de sang s'écrasait au sol, je m'enfermais un peu plus dans mes ténèbres, m'isolant dans ce coeur noir et meurtri qui commençait à me faire défaut. Alors que je m'apprêtai à saisir le couteau que mon petit frère tenait encore fermement dans sa main, je sursautai en sentant quelque chose frôler ma joue. J'attendis quelques instants, espérant avoir droit à un nouveau signe, à quelque chose pour me retenir de faire ce que j'allais commencer tout à l'heure, mais n'obtenant rien d'autre que de nouvelles larmes incessantes sur mes joues, je me contentai d'oublier, fondant une nouvelle fois sur cette arme qui était l'assassin de mon frère. Et puis, alors que je serrai l'arme dans ma main, j'entendis cette fois une voix. Faible, et lointaine. Mais que je n'eus cependant, et étrangement, aucun mal à reconnaître.
...
Je me redressai brutalement dans mon lit, les yeux grands ouverts et le visage humide. Vivement, je tournai la tête vers Nashoba qui se trouvait à côté de moi. Je l'avais bien reconnu... La première question que je me posais, fut la raison de sa présence ici. Et pourtant, les premiers mots qui franchirent mes lèvres n'eurent absolument aucun rapport avec cette interrogation. Sans que je ne pense, ne me dicte quoi que ce soit, je me retrouvais dans ses bras, sanglotant, cherchant le réconfort là où je n'aurais jamais pensé le trouver. Mon coeur battait fort dans ma poitrine, mais je mettais tout ça sur le compte de ce mauvais rêve, ce cauchemar que je souhaitais oublier plus que tout au monde. Mais comment faire ? Comment faire alors qu'au fond de mon âme, une petite voix me soufflait que c'était vrai. Et cette voix, alors que je parvenais à la contredire, à lui faire comprendre que je n'étais pas au Valhalla depuis un an, et que tout ce que j'avais vu était improbable, elle me soufflait que ce n'était que le futur, qu'un futur probable qui avait de grande chance de se réaliser, bêtement, mais simplement à cause de mon absence dans ma famille.
Je me collai à Nashoba, pleurant toutes les larmes de mon corps, me noyant dans son odeur que je n'aurais jamais cru aussi délicieuse. Je m'abandonnai dans ses bras, faible et misérable, sans me dire un seul instant qu'il profiterait plus tard de cette faiblesse, de cette nuit qui m'avait fait défaut. J'avais l'impression de retourner en enfance, d'être une gamine cherchant le réconfort dans les bras qui acceptaient de s'ouvrir à elle. Les yeux clos, je ne faisais même plus attention à mon rythme cardiaque aussi irrégulier. Je continuai à pleurer, encore et toujours, sans penser un jour trouver une issue à ce malheur, revoyant sans cesse le moment où mon frère se plantait ce couteau dans le coeur. Je me mordis la lèvre, retenant un cri de douleur. Je tenais à ma famille au fond. J'y tenais...
Les paroles qui passèrent la barrière de mes lèvres, comme je l'avais dit tout à l'heure, n'eurent aucun rapport avec sa présence ici. Parce qu'au fond, sa présence me rassurait, elle me confortait.

-Il est mort, finis-je par bafouiller. Il est mort... En fait, ils le sont tous. Tous, et à cause de moi. Tout ça parce que je suis ici... Ici ! répétai-je plus fort.

Je serrai son tee-shirt trempé par mes larmes dans mes poings, tentant tant bien que mal de réguler les battements de mon coeur.

-Tu oublieras après, hein ? Tu oublieras... bredouillai-je, lamentable.

Sa réponse à mon étreinte. Sa main sur ma tête. Ses caresses. Ses paroles. J'avais l'impression d'être une fillette dans les bras de son amoureux. D'être une femme dans les bras de l'homme qu'elle affectionnait... Cette conclusion me tira un frisson, sans pour autant me pousser à me retirer de ses bras. Une voix étrange me soufflait que là, le cauchemar prendrait fin, que là, je serais capable de me calmer, que là, j'allais pouvoir aller mieux. Quand il me disait de me calmer, je retrouvais ce sentiment de réconfort que je n'avais plus éprouver depuis des années et des années. Cette présence de soutien qui m'avait abandonné depuis bien longtemps, je les retrouvais dans les bras de Nashoba. Alors que j'avais été détestable, méchante, cassante, hautaine... Blessante aussi, sans doute. Alors que devant lui j'avais toujours été cette fille pleine de défauts, c'était lui qui était là, à m'aider tandis que je vidais mon corps de toute son eau.
J'avais fini par laisser un mince sourire étirer mes lèvres, alors que, silencieuses, mes larmes commençaient à se tarir. Et pourtant, je ne me détachai pas de Nashoba. Je restai nichée contre lui, goûtant son odeur, profitant de cette sensation de protection que je ressentais, blottie contre son torse. De toute façon, il allait oublier. Pas vrai ? Il allait oublier... Alors je pouvais en profiter. Au moins un peu. Rien qu'un peu.

-Pardon... articulai-je avec difficulté. Pardon.

Je refusai toujours de me reculai, comme si j'avais peur qu'il voit mon visage, comme si j'avais peur de devoir affronter son regard, comme si j'avais peur de ce que j'allais lire dans ses yeux. Le dégoût ? L'agacement ? La colère même, pourquoi pas ?

-Et merci.

Ce petit mot qui m'échappa, que je ne pouvais regretter qu'à moitié, le pensant tellement de l'autre. Je ne savais pas ce qui m'arrivait. Mais je profitais du moment, de l'instant présent. Je ne voulais plus penser à ce cauchemar. Non. Je voulais l'oublier. Le cacher, l'enfouir ailleurs. Le fuir tant que je pouvais encore le faire...

Il déclara que j'étais bête, m'apprit que j'avais réveillé tout l'étage, et me demanda si ça allait aller mieux. Et moi, je me taisais, ayant perdu le réconfort que m'offraient ses bras, me plongeant dans l'océan bleu de ses yeux. Même s'il semblait ne pas les aimer je ne pouvais m'empêcher de les trouver beaux. J'observai ses lèvres, son sourire, et secouai finalement la tête, baissant les yeux. Je n'arrivais pas à croire que c'était moi qui pensait à tout ça. J'étais en train de lui trouver des qualités, de le complimenter, même si ce n'était qu'intérieur. Comment mon opinion sur lui avait-il pu changer si vite ? Et surtout... Comment avait-il pu tant changer ?
Je poussai un petit soupir. Il avait répondu à mon étreinte lui aussi, et il m'avait même serré un peu plus contre lui. Alors quoi ? Qu'est-ce qu'il pensait réellement de moi ? Est-ce qu'il me détestait ? M'appréciait ? Bizarrement, la réponse m'était impossible à trouver. La tête baissée, je me sentais alors incapable d'affronter son regard. J'avais beau remercier la nuit qui masquait un minimum mes yeux rougis par les larmes, j'avais peur de croiser ses yeux. Après un léger silence, je me décidai enfin à répondre :

-Ca va aller... Je suppose, en tout cas...

J'allais me retenir, ne plus penser à mon frère, tout faire pour replonger dans un sommeil sans fin. L'idée de regarder l'heure qu'il était me vint alors à l'esprit. Détournant le regard, j'observai le réveil qui se trouvait sur ma table de chevet. Quatre heures passées... Et il était encore debout. Et habillé... Qu'avait-il pu faire jusqu'à cette heure si tardive de la nuit ? Je finis par relever mes yeux vers lui, repensant à ses premières paroles.

-J'ai vraiment... crié fort ? demandai-je avec hésitation. Et je veux pas aller à l'infirmerie. Ca sert à rien, j'ai mal nulle part... Simplement à la tête.

Et au coeur. Mais ça je ne veux pas le dire. Parce que c'est gênant. D'autant plus... Que je ne suis jamais allée dans une infirmerie. Je ne suis jamais allée dans un hôpital. Je ne sais même pas véritablement à quoi ça ressemble... Même lorsque j'étais malade, c'était le médecin, qui venait...

Quand il m'avait entièrement lâchée, j'avais senti la peur de le voir partir m'envahir. Il avait ensuite posé sa main sur mon front, et j'avais détaillé son visage, silencieuse. Puis, il s'était redressé, et avait commencé à partir, alors que tout en moi me poussait à le retenir. Et puis il revint, me passa ce collier autour du cou, sans que je n'ai, une fois encore, pas besoin d'ouvrir la bouche. Je baissai la tête, observai quelques secondes le preneur de rêve qu'il venait de me donner, avant de sentir ses doigts saisir doucement mon menton, ses lèvres frôlant à peine les miennes. J'écarquillai les yeux, prise au dépourvue, mon cœur oubliant de battre pendant un court instant. Un frisson me parcourut l'échine tandis qu'il s'éloignait à nouveau. Brusquement, par ce simple contact, tout mon corps s'était réchauffé.
Toutes les questions qui avaient pu jusque là trotter dans ma tête se turent, et, instinctivement, j'attrapai son poignet avant qu'il ne s'éloigne trop, détournant le regard, sentant mes joues terriblement rouges.

-Nash...

Je me mordis la lèvre inférieure. Ma voix était si... faible et tremblante ! Qu'est-ce qu'il me prenait ? Et ce coeur qui tambourinait dans ma poitrine...

-Finalement, je veux pas que t'oublie...

C'est pas grave si j'ai pleuré devant lui. C'est pas grave si je me suis montrée si pitoyable devant lui. C'est pas grave tout ça... Parce que je veux pas qu'il oublie... Je veux pas qu'il oublie ce qu'il vient de faire...

-Merci, pour... le preneur de rêve, bredouillai-je.

Je relevai enfin les yeux vers lui, sans pourtant être sûre de pouvoir faire face à son regard. J'aurais aimé comprendre ce qui m'arrivait... Vraiment.

-Et ça...

J'inspirai pleinement, tentant de reprendre contenance.

-... Ca me dérange pas que tu te sois invité dans ma chambre.

Je le lâchai alors, laissant lourdement ma main retomber sur le lit.

-Si tu pars vraiment... Bonne nuit à toi aussi, murmurai-je, cachant avec difficulté les regrets qui me piquaient le coeur à l'idée de le voir partir.

Je baissai la tête, observant ses doigts lorsqu'ils saisirent le pendentif qu'il venait de me donner. Quand il repoussa avec précaution une de mes mèches de cheveux, je levai les yeux vers lui, fixant son regard azur. Et puis, je m'étais de nouveau retrouvée dans ses bras. j'avais retrouvé cette sensation de réconfort, ce sentiment d'être protégée. J'avais tellement l'impression qu'ici, contre lui, rien ne pouvait m'arriver ! Je fermai les yeux, posai mes mains sur son torse, mon corps agissant tout seul, ignorant mon coeur qui battait aussi fort dans ma poitrine. A vrai dire, ça faisait un moment à présent que j'oubliais ce petit organe qui me menaçait à chaque instant de me transpercer la poitrine. Depuis que je m'étais réveillée et que je m'étais abandonnée dans ses bras, en fait.

-Je n'vois pas pourquoi je refuserais...

Je marquai une légère pause, ouvris les yeux et relevai la tête pour l'observer, posant une main sur son front.

-Sauf que ce ne serait pas toi qui aurait de la fièvre par hasard ?

Un mince sourire vint étirer mes lèvres, et je continuai à le dévisager quelques secondes, baissant les yeux sur ses lèvres tandis qu'un frisson parcourait mon corps. Je n'osais pourtant rien faire, de peur qu'il me repousse, le doute s'emparant brusquement de moi, me forçant à me demander si ce n'était pas une ruse, s'il ne faisait pas ça pour s'emparer de mes faiblesses et me détruire plus tard, au moment où je m'y attendrais le moins. Je laissai ma main jusqu'alors posée sur son front glisser le long de sa joue, la ramenant alors contre moi, la serrant au niveau de mon coeur, victime de ce sentiment de peur qui commençait à naître en moi. Je baissai le regard, fermai de nouveau les yeux. Profite de l'instant présent Diao... Profite.

Lorsqu'il me recoucha, je me laissai faire, fixant son visage. Alors que je l'imaginais déjà partir, il se pencha une nouvelle fois au dessus de moi et effleura mes lèvres. Un frisson me parcourut l'échine tandis que mon coeur ratait un battement, mes lèvres brûlant par ce simple contact. Je sentis alors qu'il allait déjà s'éloigner, se redresser, partir. Il allait me laisser. Parce que je n'allais plus faire de cauchemars. Mon coeur se serra, et, mon corps agissant sans mon approbation, n'écoutant comme ordres que ceux que me soufflait cette petite voix au fond de moi, je passai soudainement mes bras autour de son cou, le tirant vers moi, refusant qu'il parte, effrayée rien qu'à la perspective de le voir s'éloigner.
Je ne me reconnaissais pas. C'était bien simple : là, à cet instant, à ce moment précis... Je ne me reconnaissais pas du tout. C'était la toute première fois que j'étais comme ça... Que je cherchais la personne, que je refusais de la laisser partir, que je m'y accrochais comme si... Je ne sais pas. Je ne sais même pas pourquoi je m'accrochais comme ça à lui... Ou alors, je refusais d'y croire.
Je me détachai finalement de lui, de ses lèvres, fuis son regard, et glissai lentement mes mains le long de son cou, jusqu'à les laisser retomber sur mon lit. J'agrippai cependant son t-shirt avant que ma deuxième main ne le lâche complètement.

-Tu veux bien... attendre que je dorme, pour repartir ? demandai-je en tournant la tête vers mon réveil, hésitante, ne me rendant qu'à peine compte du sacrifice que je devais lui demander de faire. Je veux pas... Je veux pas les revoir morts... Je veux pas le revoir se tuer devant moi... J'ai...

Je tressaillis, honteuse à l'idée de prononcer ce mot devant lui.

-... J'ai peur...

Je soupirai de soulagement en entendant ses paroles, l'observant en silence aller chercher un fauteuil pour rester avec moi, jusqu'à ce que je m'endorme, comme je le lui avais demandé. Lorsqu'il revint et prit ma main, un léger frisson me parcourut, comme toutes les autres fois où j'avais pu sentir n'importe quelle autre partie de son corps me toucher, ce soir. Je le fixai toujours, me perdant dans l'océan bleu de ses yeux, confortablement installée dans mon lit, prête à dormir. Un faible sourire vint étirer mes lèvres. Il n'était qu'une chimère en réalité, n'est-ce pas ? Demain, il ne serait plus là. Demain, il aurait tout oublié. Demain, tout aura de nouveau changé.
Je continuai à l'observer, à regarder son sourire qui, pour une fois, alors qu'il m'était adressé, n'était ni moqueur, ni taquin. Je finis par doucement fermer les yeux. Il ne vaut mieux pas trop espérer. Demain, ce sera différent.
Instinctivement, j'entrelaçai mes doigts aux siens, éprouvant le besoin de sentir qu'il était bel et bien là, qu'il n'allait pas disparaître dans une volute de fumée.
Je réouvris les yeux, les plantai dans les siens, un petit sourire flottant sur mes lèvres.

-T'as raison. Des fois, tu sais aussi être gentil...

Mon sourire s'élargit légèrement, et je continuai à le scruter quelques secondes avant de fermer à nouveau les yeux, sentant la fatigue s'emparer de moi.

-Nash, tu sais, soufflai-je, si demain tu m'oublies... C'est pas grave. Je ne t'en voudrais pas.

Je souris doucement en l'entendant annoncer fièrement qu'il avait souvent raison. Peut-être que c'était vrai, après tout...
Sentant sa main resserrer un peu plus la mienne, j'ouvris un oeil, l'observant avec curiosité, ouvrant l'autre quelques secondes plus tard. Sa question me tira cependant un soupir amusé, tandis qu'il fronçait les sourcils, visiblement contrarié. Je laissai un faible sourire étirer mes lèvres et le regardai, ne me lassant pas de voir ses yeux rivés sur mon visage, de voir ses traits fins, doux, agacé ou encore... tendre, animer son visage. Je réfléchis pourtant à sa question avec sérieux, me demandant si je voulais qu'il m'oublie ou non, au final.
Je finis par refermer lentement mes yeux, remontant maladroitement mes draps de ma main libre.

-Je pense que non. Au contraire, même... murmurai-je.

Un ange passa, et je respirai doucement, gonflant mes poumons de son odeur qui emplissait encore ma chambre de toute part.

-Nash, dis-je à nouveau, tu vas vraiment rester jusqu'à ce que je dorme ? Tu n'es pas fatigué, toi...?

Les yeux clos, sentant toujours sa présence près de moi, entendant sa voix me caresser les tympans, je souris doucement, serrant un peu plus sa main dans la mienne.

-Ok... Tant mieux alors, soufflai-je.

Mon coeur s'était remis à battre régulièrement, bien que je le sentais encore fort tambouriner dans ma poitrine. Le savoir près de moi, à me surveiller jusqu'à ce que je m'endorme, m'aidait à être paisible. J'étais bien, là, sa main serrant tout bêtement la mienne. J'avais l'impression... d'avoir une place, ici, dans cet endroit qui m'était encore inconnu. Ce n'était peut-être qu'une illusion, qu'une idée que je me faisais... Mais j'aimais m'y accrocher.
Quelques mots me brûlaient les lèvres. "Désolée" ou encore "merci". Mais j'étais incapable de les prononcer. Pour une raison que j'ignorais, encore une fois...
Je poussai un petit soupir, essayai de m'abandonner à Morphée. C'était plus facile à dire qu'à faire... En me réveillant, demain matin, il ne serait plus là. Il faudrait que je m'habitue à ne pas être toujours avec lui, et... Enfin bref. Il me resterait ce collier, hein ? Le preneur de rêve... Je l'attrapai de ma main libre.
Bonne nuit Nashoba. Bonne nuit, et merci...

Continuant pendant un bon moment à sentir sa présence près de moi, sa main dans la mienne, je finis par tomber dans les bras de Morphée.
Lorsque je me réveillais le lendemain matin, ma chambre baignait encore dans la pénombre, la lumière du jour peinant à filtrer à travers les rideaux fermés. J'ouvris lentement les yeux, m'apercevant avec un pincement au coeur que personne n'était à côté de moi. Que personne ne me prenait la main et que personne ne veillait sur moi, tout bonnement. Je me redressai, parcourrai une nouvelle fois ma chambre du regard, gardant vainement l'espoir de le voir sortir d'une minute à l'autre de la salle de bain.
M'enfin, après tout... Je ne lui avais demandé de rester que jusqu'à ce que je m'endorme.
Je sentis mon coeur se serrer et je me recouchai dans mon lit. Entêtée, je me refusai de croire au comportement que j'avais eu pendant la nuit, à son égard. Son souvenir me fit frissonner et je remontai mon drap au dessus de ma tête. Je restai comme ça pendant de longues minutes avant de finalement me lever et d'aller traîner des pieds jusqu'à la salle de bain. Après tout, ce n'était peut-être qu'un rêve... Un rêve, oui. Ca pouvait même coïncider... A la suite de mon cauchemar, j'enchaînai avec un rêve où on me donnait un preneur de rêve pour chasser les mauvais rêves...
Oui, mais dans ce cas, pourquoi Lui ? Pourquoi Lui et pas quelqu'un d'autre, dans ce rêve ?
Je frissonnai, et rentrai sous la douche, laissant l'eau chaude me mordre la peau. Perdue dans mes pensées, j'effleurai mes lèvres du bout des doigts. Non, non, non ! Ce n'était qu'un rêve Diao. Un rêve. Maintenant, la prochaine fois que tu croiseras Nashoba, tu seras comme d'habitude. Hautaine, méchante, glaciale... Et tu ne chercheras pas à entretenir une conversation, pas comme tu l'as bêtement fait ces derniers temps...
Mais ça ne va pas être possible ! En le voyant, je vais repenser à tout ça, eeeet... Agacée, je sortis plus vite que prévu de ma douche, enfilai une robe et sortis prendre l'air, histoire de me changer les idées.