C'est trop nouveau. (libre)

Son haussement d'épaule de plus en plus régulier était un détail que je notais au fond de ma mémoire. Il semblait tellement détaché... J'aurais presque eu l'impression de le déranger. Cependant, son regard et sa dernière phrase m'arracha un sourire, et je sursautai en sentant mon cœur rater un battement. Qu'est-ce que...?! Par chance, ce sursaut passa -je l'espère- inaperçu lorsque je reçus en pleine figure l'herbe qu'il m'envoyait.

-Hé ! m'écriai-je alors.

Je secouai la tête, retirant cette coiffe idiote (pourquoi l'avais-je mise, d'ailleurs ? Encore une habitude liée à mon "ancienne" vie...), et passai une main dans mes cheveux pour retire les brins d'herbe qui s'y étaient nichés. Je relevai les yeux vers Nashoba, et éclatai brusquement d'un rire incontrôlable.
Là, pour le coup, je ne comprenais ni la raison de mon rire, ni cette chaleur dans mon cœur. Mais c'était... Agréable, d'être joyeuse. Moi qui ne l'avais été qu'en de rares occasions, et toujours en présence de Zhen Ji...
Je finis par me calmer, et j'essuyai d'un revers de la main les fines larmes qui étaient nées au creux de mes yeux. Je relevai la tête, luttant pour faire disparaître ce sourire trop... heureux, et surtout inhabituel pour moi.
Je finis par tourner la tête vers l'herbe, seul moyen de masquer cet air enjoué qui refusait de partir. Je pris alors quelques brins d'herbe que je lui jetai dessus à mon tour. Simple vengeance... J'aime pas laisser le dernier mot aux autres.

Je fus bien heureuse d'avoir répliqué à son attaque, car le début de sa phrase me troubla un instant. Au moins, il ne pouvait pas le voir... A moins qu'il soit vraiment attentif... Ce que je n'espérais pas. Lorsqu'il retira les quelques brins d'herbe qui lui étaient restés dessus, je détournai le regard, légèrement gêné. D'une certaine manière, j'étais certaine que s'il avait pu la terminer, je n'aurais pas pu lutter contre les sautes d'humeurs inexplicables de mon cœur aujourd'hui. C'est alors qu'il me sauta dessus. Surprise, j'ouvrais grand les yeux, et tentai de me débattre, ce à quoi il remédia en m'attachant les poignets. Je me retrouvai couverte d'herbe, et je me relevai, verte. Profitant de la situation, je passai une main sur mon visage, faisant mine d'en retirer l'herbe. En réalité, j'étais... troublée par sa proximité. Alors qu'il éclatait de rire, j'ébouriffai mes cheveux afin d'en faire glisser l'herbe qui y était restée collée. J'époussetai ensuite mon haut et levai les yeux vers lui.
Il fallait que je me reprenne...

-Il n'y a pas de quoi rire, déclarai-je finalement.

Je fermai les yeux et les rouvris, m'espérant plus calme et sereine.

-Et tu n'es pas plus fort que moi, désolé de te décevoir... Tu n'es même pas indépendant.

... Et voilà. A vouloir redevenir comme avant, je ne mesure plus mes paroles, et je lâche des choses qui pourrait le... Blesser. Mais c'est pas grave si je lui fais du mal... Si ? ...

Je fronçai les sourcils lorsqu'il déclara que ça faisait mal, et en arquai un quand il se contredit. Ca... C'était malin. Comment me faire culpabiliser rapidement, quoi. Je ne bronchai cependant pas à la suite de sa remarque. Il me tira la langue et j'écarquillai mes yeux. Nan mais il préfère quand je suis glaciale ? Il est bien marrant lui ! En voilà de drôles d'idées...
Je relevai la tête vers l'immensité des plaines qui s'étendaient devant nous, et repensai à la micro-soirée que j'avais passé lui la dernière fois, dans la forêt. D'après ce que je me rappelais, il était... Amérindien, c'est ça ? Il avait dû en voir beaucoup des paysages comme celui-ci. Je souris, instinctivement. Quand je m'en rendis compte, je secouai la tête pour perdre cet air joyeux. C'était quoi, déjà, les surnoms qu'il m'avait dit le concernant...? Nash et... Le Cherokee ! Pourquoi ce surnom d'ailleurs ?
Je répondis d'abord à ses premières phrases. Je pense que je devais tout de même être embêtante à répondre toujours après un léger silence. Quoi qu'aujourd'hui, ça allait... J'étais nettement plus amicale que d'habitude. Ce qui me choquait personnellement. Il n'y avait que Zhen Ji qui m'avait vu comme ça jusque là.

-Je suis désolée, mais c'est vraiment trop difficile pour moi d'admettre que je trouve ça drôle, surtout si je suis la dominée.

Je tournai finalement la tête vers lui, croisant son regard azur.

-Et puis, tu préfères que je sois froide ? Je peux bien être méchante, hein, ça ne me dérange absolument pas, j'en ai tellement l'habitude.

En réalité, je ne savais même pas si je serais capable de l'être. A mon propre étonnement, j'aimais le voir rire et sourire, plutôt que le voir froncer les sourcils... J'aimais me sentir bien. C'était nettement mieux que d'être toujours sur la défensive... Je rejetai finalement ma tête en arrière pour observer le ciel, songeuse. Je demandai enfin :

-Au fait... Pourquoi "le Cherokee" fait-il partie de tes surnoms ?

J'écoutai chacune de ses paroles. Tout d'abord, je l'observai avec de grands yeux interrogateurs lorsqu'il m'accusa d'être... Ma soeur, quelqu'un qui n'existait pas. Ensuite, je... Je fis une sorte de moue vexée lorsqu'il affirma que j'avouais qu'il était plus fort. Je clignai des yeux lorsqu'il déclara qu'il aimait me mettre hors de moi, et enfin... Je me sentis brusquement pâlir lorsque je me rendis compte de l'idiotie que je venais de sortir. Je tournai la tête à son opposé. Même si ça m'arrangeait de devenir blanche plutôt que rouge, c'était vraiment ultra gênant, et super honteux. Quelle imbécile je n'étais pas...! Enfin, en même temps, c'était pas ma faute si je ne savais pas ! Là, je venais de deviner, mais... Enfin, j'ai jamais appris ça moi, avec ces fichus profs à domicile ! Par contre, je connais toutes ces choses inutiles de la Chine traditionnelle par cœur ! Bien que je doute qu'on pratique ici la cérémonie du thé...
Lorsque je redevins à peu près normale, je fixai l'herbe à côté de moi, toujours sans le regarder, et décidai d'oublier sa dernière phrase pour me concentrer sur celles d'avant. Je mimai un air offusqué. Assez dur quand on prouve à son interlocuteur qu'on est inculte, même avec mon jeu d'acteur hors du commun que j'ai acquis grâce à 16 longues années de pratique.

-Mielleuse ? Alors là, que ce soit bien clair, je ne serais jamais comme ça. C'est ridicule, et vraiment humiliant...

Mais... Mon côté... Gentil. C'était bizarre d'entendre ça. Ca devait même être la première fois, non ? Non, peut-être pas... On me l'avait déjà dit, ou on l'avait déjà insinué. Mais ça restait étrange... Parce que je n'étais pas vraiment gentille ? Si...? Je me sens complètement incapable de faire le moindre compliment à quelqu'un... Et rien que d'y penser me donne des frissons.

-Et de toute façon, je ne suis pas gentille. Je suis un peu comme toi : aimable à mes heures perdues.

Bien sûr, j'en rajoutais. Avec les autres, il était certainement toujours agréable.

Si, je savais qu'il était amérindien, il me l'avait dit, mais j'avais pas fait le rapprochement entre l'appellation Cherokee et ça... J'ai pas de culture à ce niveau-là, mais je ne vois pas franchement comme je pourrais le lui avouer. Je décidai de passer ma réponse sous silence, préférant avoir l'air idiote plutôt que complètement ridicule. Je tournai finalement la tête vers lui, assez tôt pour apercevoir son sourire et... Il ne venait pas de se retenir de rire, par hasard ? Je laissai, contre ma volonté, un sourire percer sur mes lèvres.

-Je suis comme toi, mais simplement à ce niveau. Sinon, tu es bien moins intéressant que moi.

Il se planta devant moi, en tailleur, le regard suspicieux. Instinctivement, je reculai mon buste. Ce devait être très charmant. Sa remarque, bien dans le vrai, me vexa un peu, mais je tentai de ne rien laisser paraître. Lorsqu'il proposa de m'en apprendre plus, je le dévisageai un instant. C'était une bonne idée... Mais ça voulait dire que j'acceptais d'être vu comme une ignorante. Rah, fierté idiote !
Il se transforma en loup et là, je reculai réellement d'au moins 50cm.

-Mais t'as pas fini oui, avec cette transformation ?! m'emportai-je.

Je portai brusquement ma main à ma bouche. Mince... C'est sorti tout seul. Je tournai la tête, et fis mine de rien.

-Et je ne me pavane pas.

Même si les regards hautains sont justifiés. Je le regardai du coin de l'oeil. Il redevint humain et me recommanda de ne faire aucun commentaire. Je laissai un sourire se dessiner au creux de mes lèvres.

-Qui te dit que je ne maîtrise pas le mien ?

Je m'étais vendue moi-même... Dès le début de la conversation. Je soupirai. Quelle idiote. Je me passai une main sur la figure, en retirant l'herbe qu'il y avait jeté, et plantai instinctivement mon regard dans le sien. C'est malin, déjà que je suis bizarre à cause de sa proximité, j'en rajoute une couche. Je tentai de ne pas y faire attention et déclarai :

-Oui, mais je... Je t'ai peut-être menti !

Quelle naïveté... Je suis ridicule, vraiment... Je ne cessai cependant de le regarder. Sinon, ça aurait signifié que je le fuyais du regard et... Plus suspect, y a pas.

-Et ça ne m'agace pas du tout !

En tout cas, ce n'est pas ça qui m'agace. C'est plus sa manie à me surprendre avec ses transformations. Ah, et à propos, lui, il peut s'y entraîner quand bon lui semble. Moi, j'aurais bien du mal à m'exercer sur un arbre.

-Sinon, ça ne te dit pas de retourner à ta place ?

Il se moquait de moi, tout simplement. Lorsqu'il se rapprocha, je rentrai la tête, affichant une mince protection face à sa carrure bien plus imposante que la mienne, sans non plus être hors du commun. Il s'éloigna enfin et je ne retins pas un long soupir. Quel soulagement ! Ca en moins sur la conscience. Cependant, j'étais un peu dans la moïse, tout de même... Lui montrer mon pouvoir, alors que dans ma vie, je ne l'ai testé que deux fois. Une fois dans le savoir, l'autre en "suivant mes sentiments". Je tournai la tête vers lui. Lui, c'était bien plus simple ! Il peut se transformer comme il veut... Je décidai alors de ne pas répondre à ses premières questions, et je répondis à la dernière :

-Et bien, ça marche...

Je me concentrai, marquant une pause. Au pire des cas, si ça ne marche pas, je ne lui montre pas, faisant mine de ne pas l'avoir entendu lorsqu'il m'a incité à faire une démonstration. Si ça marche, et bien il verra...
Un sourire étira mes lèvres lorsque je vis mon ombre s'étirer. Je fermai les yeux, inspirai un grand coup, et les rouvris, ravie de voir ma silhouette sur le sol se déformer pour aller rejoindre la sienne. Je tentai de me remémorer le contrôle que j'avais eu sur ce roux, lorsque j'avais récupéré mon pouvoir, et reproduisis le tout sur Nashoba. Je levai les bras devant moi et m'étirai, observant avec satisfaction qu'il faisait de même. Je souris.

-...comme ça.

e remarquai avec amusement son frisson. Je rabattis mes bras contre mon corps. Bon... Maintenant... Ramener mon ombre à mon simple corps. Plus facile à dire qu'à faire... Je me mordis la lèvre inférieure et fermai les yeux. Il fallait vraiment que je me concentre là...
Je m'imaginai un tissu que je ramenai contre moi. Lorsque je rouvris les yeux, mon ombre revenait à moi. Je souris, mais me retins de montrer ma joie. J'aurais bien eu l'air bête... Je tournai la tête vers lui, tentant de supprimer ce sourire de mes lèvres.

-Ca m'arrange que ce soit mieux pour moi que pour les autres. Tu le sais bien, non, que je suis égoïste ?

Je relevai les yeux dans sa direction, étonnée. C'était... Un compliment ce qu'il venait de me dire, non ? Je feignis l'indifférence, et m'attardai sur ses cheveux. Ils semblaient vraiment... Soyeux. Je me surpris moi-même à penser à ce genre de chose, et je secouai la tête, alarmée par mon cœur à l'attitude inexplicable. Je soupirai. Ma voix m'échappa.

-Je rêve, où tu viens de me faire un micro-compliment ?

Je repensai ensuite à ses paroles vis à vis de mon pouvoir et de sa capacité à embêter les gens, comme la télépathie. Je m'assombris et baissai la tête.

-Non, ce n'est pas pareil. La télépathie, c'est un coup par derrière, celui qui se fait vider l'esprit ne sait rien... Et je déteste ça. J'admets ne pas être un ange, mais je hais les coups bas comme ça. C'est pas pareil... J'aurais pas pu être télépathe

J'écoutai ses paroles, laissant une étrange douleur s'emparer de moi. Pour la première fois depuis que je le connaissais, j'avais... Peur, qu'on se dispute. Pourtant, jusque là, je m'en fichais bien, et même au contraire, qu'il s'énerve était synonyme de victoire pour moi. Alors que dans ce cas-là précis... J'avais vraiment peur qu'il s'emporte... J'arrachai une poignée d'herbe, la serrai un instant dans sa main, attendant la fin de ses paroles, et la lui lançai dessus, souriant très faiblement :

-On... parle d'autre chose ?

Je continuai de sourire, lamentable, et me passai une main dans les cheveux, reportant mon regard sur les plaines. Pour le coup, j'étais vraiment misérable... Ma propre faiblesse me révulsait. Je cachai un soupir, et me surpris à me dire que je ne voulais plus voir cet air énervé sur son visage à cause de moi. Je préférais le voir sourire... Même si... Ce n'était pas grâce à moi. De toute façon, je doutais pouvoir réellement le faire sourire par mes propres moyens. J'étais bien trop froide pour ça. D'ailleurs, je risquais plus de l'énerver qu'autre chose. Alors...

-Tu as des frères et soeurs ? Je ne sais plus si tu me l'as déjà dit...

...Alors dans ce cas, il me suffirait de me taire.

Je tournai la tête vers lui, laissant un sourire percer sur mes lèvres. J'observai les siennes bouger lorsqu'il répondait, et finis par reporter mon regard vers le ciel. Je laissai un mince rire m'échapper, amusée, et lançai :

-Oui, je suis peut-être gravement atteinte, qui sait ? Je suis lunatique, mauvaise et capricieuse. En somme, je pense qu'on pourrait me qualifier de gamine pourrie gâtée. Mais de toute façon, tu l'as déjà remarqué, alors ne prends pas ces airs surpris.

Je marquai une légère pause, et poursuivis :

-J'ai un petit frère. C'est à cause de lui, ou bien grâce à lui, que j'ai découvert ce... "Pouvoir".