J'ai besoin d'une victime, soit vous êtes volontaires, soit vous vous taisez, mais vous n'avez pas le choix. (libre)

Marre. Marre de ne rien savoir faire avec ce fichu pouvoir qui est pourtant la cause de mon arrivée, et de ma vie ici. D'accord, j'ai pu... rencontré des... personnes intéressantes. Mais là n'est pas le plus important. Je me sens... Nulle.
Dans mon ancienne vie, dans tout ce que je pouvais pratiquer, j'excellais. Ici... Je n'étais rien d'autre qu'une incapable, pour être la plus franche possible.
Et quelle était la raison de ma faiblesse ? C'était simplement parce que personne n'était assez aimable pour me servir de cobaye. Ce n'était pourtant pas compliqué, il suffisait de ne pas bouger, d'attendre, et de me laisser faire... Mais visiblement, ça n'attirait personne. Et jusque là, je n'avais pu qu'apprendre à étirer mon ombre à volonté... Ah, faire des petits animaux, tout ça, c'était simple... Je suis sûre que j'étais même capable de reproduire l'histoire du petit Chaperon Rouge en ombre ! Mais contrôler quelqu'un grâce à cette même foutue ombre... Ca posait deux fois plus de problèmes.
J'arrivai enfin dans les couloirs des Dömes, et me postai devant la salle commune. Les filles sont des proies trop faciles, et c'est beaucoup moins amusant. La seule chose que j'espérais, c'était que Nashoba ou une autre personne plus haute placée ne me voie pas.
Dès qu'un blond sortit de la pièce, un sourire vint étirer mes lèvres, et je l'interpellai. Il se retourna, interrogatif, et me posa la question tant attendue, qui était, tout bêtement : "Qu'est-ce qu'il y a ?"
Sans me départir de mon sourire, je m'approchai de lui, me postai devant lui et posai une main sur son épaule, fixant mes yeux dans les siens.

-Dis-moi... Tu voudrais bien m'aider pour un entraînement ? C'est simple, il suffit que tu ne bouges pas, et que tu te laisses faire.

Entendant mes mots, et me rappelant qu'il s'agissait ici d'un garçon, je me rendis compte qu'elle pouvait être... Plutôt mal interprêtée, n'est-ce pas ? Je relâchai son épaule, laissant ma main traîner sur son torse avant de rejoindre mon autre main, croisées dans mon dos.
En réalité, être une succube devait être terriblement intéressant... Et j'aurais presque pu me vanter d'en être une. Mais pour l'instant, ça restait à voir... Mon sourire s'élargit doucement.

-Alors, tu veux bien ? Tu acceptes d'être ma victime, et je te donne un bonbon si tu es sage, d'accord ? murmurai-je alors que mon ombre s'emparait de la sienne.

Il ne me restait plus qu'à réussir à le contrôler... Ce qui n'était vraiment pas une mince affaire. Je m'éloignai de lui, et l'aperçus reculer à son tour. Un grand sourire vint étirer mes lèvres, bien plus satisfait que celui que je me bornai à lui offrir pour le faire céder. Une lueur dans ses yeux me fit comprendre qu'il n'était plus du tout d'accord. Alors qu'il allait ouvrir la bouche, certainement pour me dire de le laisser tranquille, je ris froidement, avant de dire, anticipant sa question :

-Je suis désolée. Diriger, maîtriser, contrôler les autres... J'aime trop ça pour arrêter maintenant. Et ça faisait trop longtemps que ce n'était pas arriver, je me sentais tellement vide. Tu penses que tu voudras bien te mettre à genoux devant moi pour me supplier ?

Je fis claquer ma langue dans ma bouche, comme s'il s'agissait d'une évidence, l'empêchant une nouvelle fois de me parler.

-Non, bien sûr... Puisque je suis à la source du moindre de tes gestes... Il serait donc dommage que je t'autorise à me supplier alors que pour l'instant, je m'amuse beaucoup... Tu n'es pas d'accord ?

Lentement, sans mot, il secoua négativement la tête. Pas d'accord ? Bon, et bien il allait falloir que je vois ce que j'étais capable de faire avec ce pouvoir, dans ce cas. Quelle torture allais-je bien pouvoir lui infliger ?

Je sentis mon sang faire un tour complet dans mon corps au moment où une voix résonna derrière moi. Je tournai la tête, sentant ma concentration se réduire à une vitesse folle. Je la vis. Celle qui m'avait redonné mon pouvoir, qui m'avait vu faible et qui avait affiché un air si blasé. Mes poings se serrèrent contre mon gré. Je n'avais aucune chance, je le savais, et je risquais franchement de ne pas aller loin à force de me mettre à dos toutes ces personnes hautement placées, comme cette Reïa, mais je n'avais pas le choix. Il était hors de question que je suive les ordres et que je me plie à leur volonté. Qui étais-je pour m'abaisser à un tel niveau ?
La rage s'emparant peut à peu de moi, au fil de ses paroles, la voyant me descendre, me ridiculiser, toujours un peu plus fort, m'enfonçant toujours un peu plus loin, j'avais déjà relâché ce débile alors qu'elle me le demandait. Qu'il reste là, témoin de mon humiliation ? Merci, mais non.
Je sentis mes phalanges blanchir à force de toujours serrer mon poing plus fort. Je la détestais. Je la haïssais. Comment pouvait-elle me faire ça ? Comment pouvait-elle me descendre comme ça ?!
Je me rendais bien compte que c'était précisément ce que je faisais aux autres. Je le savais, je le savais parfaitement ! Mais le vivre, c'était une autre histoire. De toute façon, j'étais assez égoïste et assez égocentrique pour ne penser qu'à moi. Alors être face à l'enfer que je pouvais infliger aux autres ? C'était trop pour moi. Trop pour une seule âme.
Je sentis mes poils se hérisser sur mes bras. Elle avait réussi à me mettre hors de moi. J'étais carrément sortie de mes gonds. Je la fixai, plissant les yeux, mauvaise.

-Il y a un problème ? crachai-je d'une voix froide.

Je bouillonnai intérieurement. Comment osait-elle m'ignorer ainsi ?! Elle avait beau être plus haute que moi dans l'échelle de cette hiérarchie absurde, ce n'était pas humain de faire ce qu'elle me faisait là ! C'était tellement... Hautain.
Ok, je l'accorde, j'étais comme ça. Je l'avoue. J'étais bien obligée de l'avouer après tout... Mais je refusais qu'on me fasse subir ce que moi je faisais aux autres. J'avais besoin de me sentir forte, puissante... J'avais besoin de sentir que je contrôlais la situation. Or, là, en l'espace de quelques minutes, les rôles avaient été échangés. Alors que je maîtrisai cette jolie victime tout à l'heure, voilà qu'à présent, j'étais la victime et elle le maître.
Je grinçai des dents, agacée. Je n'avais même pas envie de poursuivre cette conversation... Mais si je m'arrêtai là, j'avouerais être la perdante. Défaite par forfait, c'est comme ça que ça s'appelle, non ?
J'allais trop loin ? Tant pis. C'était ma façon de penser, et je me fichais de ce que pouvait en dire les autres. Un soupir m'échappa et je plantai mes yeux dans les siens, une lueur de défi brillant dans mes prunelles.

-Rien d'intéressant. Je te demandais simplement s'il y avait un problème.

La politesse ? Le respect ? Qui parle de respect ? Je ne respecte que ceux qui me respectent... Et vis à vis de son caractère, ce n'est pas franchement ce qu'elle fait. Surtout là, avec moi. Alors si elle ne fait pas d'efforts, je ne vois pas pourquoi je devrais en faire moi-même. N'importe quoi.

Je fronçai les sourcils au fur et à mesure qu'elle parlait, sentant en moi quelque chose d'amer remonter dans ma gorge nouée. Je serrai les dents, me retenant de répondre. Qu'est-ce que je détestais cette situation ! Je me sentais tellement... Inutile.
Je tournai la tête, observant le ciel à travers une des fenêtres du couloir. Si elle continuait à m'énerver comme ça, je n'allais pas pouvoir tenir longtemps.
Le souci, c'est que dans ce monde, je n'étais pas en haut de l'échelle, mais tout en bas. Je n'avais aucun pouvoir, aucune chance de pouvoir leur faire quoi que ce soit. J'étais tellement... inutile. Je ne m'en rendais compte que maintenant.
Jusque là, je n'arrivais à apprécier aucun des Heren Istarions que j'avais rencontré, bien que Farfaya m'eut laissée dans un état perplexe. En revanche, qu'est-ce que je pouvais faire pour Reia ou encore cette Azy-machin chose ? J'étais incapable de leur nuire, peu importe ce que j'entreprenais de faire. Je lâchai un soupir, et ne répondis toujours pas.
Après tout, que répondre ? "Oui, d'accord, je ferais attention jusque là."
Non, hors de question. Premièrement, je ne ferais jamais "attention". Deuxièmement, je n'arrêterais pas pour elle. Elle ne sera pas toujours sur mon dos.
Je reportai alors vivement mon regard sur elle, me demandant soudainement si elle n'était pas Télépathe. Après tout... Si elle était comme Reia, j'avais du souci à me faire...
Je laissai mes yeux vagabonder sur ses vêtements. J'espère qu'elle ne pense pas dire qu'elle est "habillée" là...

Je me mordis la lèvre pour me contenir face à ses réflexions désobligeantes. Ce qu'elle m'agaçait !
Je fermai les yeux, secouai la tête, inspirant un grand coup afin de me calmer.

-Un corps de femme, si. Un gros de prostituée, non.

Je tournai la tête et observai le soleil qui perçait à travers les nuages. Un petit soupir m'échappa. Je m'aventurai dans un terrain glissant, ou je n'avais pratiquement aucune chance de ressortir vainqueur. Je finis par vaguement reporter mon regard sur elle, comme si elle ne m'intéressait pas. Outre son grade, elle n'était sans doute pas beaucoup plus âgée que moi, au final. Les pouvoirs offraient certainement une certaine forme de maturité, mais elle ne semblait pas l'être énormément pour autant.
Je libérai mon regard de l'emprise de ses yeux, et fis volte face, me dirigeant vers la porte de sortie pour entrer dans la cour.

-J'ai autre chose à faire. Quelque chose de plus intéressant, sans doute. Pardonnez-moi, m'excusai-je en insistant bien sur le vouvoiement.

HRP : Merci xD Tant mieux si ça te plaît, c'est le principal U_U

Tandis qu'elle me parlait, me murmurait des mots à l'oreille, je sentis mes poumons se contracter, l'air commencer à pénétrer difficilement et douloureusement à l'intérieur. Je n'entends que quelques bribes de phrases, sentant mon pouls s'accélérer, éprouvant une difficulté de plus en plus présente à respirer correctement.
Lorsqu'elle s'éloigna se moi, je ne pus me résoudre à lui jeter un regard noir, tout bonnement incapable de la regarder dans les yeux, sachant pertinemment que dans mes propres prunelles brillait encore une lueur de panique.
Alors c'était ça, la peur ?
Je me laissai glisser le long du mur, fixant le sol, refusant même de tenter de lui répondre. Son ton moqueur cassa quelque chose en moi. Mon égo, sans doute.
De plus, je me sentais vide, comme si par ce simple contact elle venait de me prendre une part de ma vie. Ce dont elle n'avait normalement pas droit, n'est-ce pas ?
Une fois qu'elle se fut éloigner, je m'autorisai à souffler un grand coup, n'inspirant que de trop grandes bouffées d'air qui m'empêchait d'avoir une respiration régulière. Mon diaphragme se soulevait irrégulièrement, mon coeur battant la chamarade.

-C'est ça, sifflai-je entre mes dents une fois que ma respiration me le permit.

Je la détestai. Encore une que je détestai. Et si elle, elle était déjà comme ça... Quel humain pouvait être cet Anikeï ? Elle n'était pas le première à m'en parler, et beaucoup disait qu'il était abominable. Mais que devais-je réellement croire...?
J'avais l'impression que les Heren Istarion pouvaient être placés sur une échelle, de 1 à 4, chaque échelon déterminant du caractère de la personne. Et j'avais visiblement le droit de monter à cette échelle dans le bon ordre, les rencontrant un à un, pour les détester à chaque fois un peu plus, un à un...
Il y avait d'avoir Farfaya ; la douce, la gentille... Tout en bas de l'échelle.
Venait Reia ; certainement gentille avec ceux qui étaient agréable avec elle. Deuxième échelon.
Ensuite, on avait cette Azylis ; qui me donnait l'impression de profiter des gens. Troisième échelon...
Et puis, ce certain Anikeï, que je ne connaissais pas encore.
Farfaya m'avait étonnée, m'avait laissée perplexe. Reia m'avait énervé, je ne l'aimais pas. Azylis, je la détestais, et les mots étaient faibles. Alors quels seraient les sentiments que j'éprouverais à l'égard de ce si prétendu horrible Anikeï ? Cette interrogation me laissait pensive...
Au bout d'un long moment, perdue dans mon esprit, je finis par me rendre compte que j'allais nettement mieux. Je finis donc par me relever, et, plutôt que de partir dans la cour, je pris la direction des escaliers, souhaitant plus que tout à cet instant retrouver ma chambre, mon lit, mon espace vital... Ou peut-être Nashoba ? ... Non, il faudrait que je m'explique, et j'étais responsable de tout... Je ne voulais pas qu'il me voit comme... Je n'sais pas. Bref. Je ne voulais pas qu'il sache.