Tien, une fifille à son papa [priver]

Ca faisait une bonne demie-heure que j'étais assise là, dans un coin sombre, portant mes yeux bleus sur le lac noirci par la nuit. La lune se reflétait déjà dedans, et les étoiles n'allaient pas tarder à apparaître dans le ciel. Les yeux rougis par les larmes, je repensais à tout ce que j'avais vécu depuis mon arrivée ici, dans cet endroit que je détestais.
Après tout ce que j'avais vu, je m'attendais à tout... Sauf que je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas à Son arrivée, à Lui... Je ne voulais pas qu'il me voit dans cet état qui lui aurait fait bien trop plaisir.
Je me recroquevillais sur moi-même, calmant mes sanglots. Il était hors de question qu'il me voit. Hors de question que je lui apporte ce bonheur.
Je l'observai, comme cette fois dans la bibliothèque, cachée dans mon coin sinistre, emportée encore plus loin par mon coeur détruit.
En réalité, depuis que j'étais ici... J'avais reçu trop "d'amour"... Les gens m'avaient apporté bien trop d'affection comparé tout ce que j'avais reçu jusque là ! Il y en avait même qui avaient chercher à m'aider, à me comprendre ! Alors que jusque là, j'avais vécu dans la restreinte et dans l'ébauche d'amour. J'avais pu avoir tout ce que je voulais, c'était certain... Mais le pris à payer avait été terriblement cher. Car la liberté en échange de biens matériels était une escroquerie qui puait l'arnaque à plein nez.
Je me frottai les yeux, cherchant à dissiper le rouge qui les entourait. Même s'il faisait nuit... Je refusais qu'on me voit ainsi.
Heureusement pour moi, il ne m'avait pas remarqué, et après avoir retiré ses chaussures, il s'était lancé dans l'observation du ciel. Les pieds dans l'eau, il semblait totalement ailleurs, et c'était d'un grand réconfort pour moi. Petit à petit, je me détendis alors, persuadée qu'il ne me verrait pas et qu'à l'espionner ainsi, j'allais peut-être découvrir, moi, son point faible...
Sauf que, douée comme je l'étais... Mon pied alla frapper dans un caillou qui roula au sol pour aller se cogner à un rocher plus loin, près de l'eau... Dans un bruit faible mais facilement perceptible à travers ce silence...
Merde.

Sa transformation me fit froid dans le dos. Je détournai le regard, incapable de le regarder dans les yeux. De toute façon, il ne me regardait plus... Après s'être ouvertement moqué de moi, bien sûr. Je serrai les dents, incapable de répondre pour l'instant. Au bout d'un petit moment, je finis par lâcher froidement :

-Fiche-moi la paix.

Je me concentrai sur l'eau qui semblait terriblement froide. J'espérais que ses pieds étaient gelés ! Il ne méritait que ça...
Je laissai le silence traîner, ne cherchant même pas à le briser. Je n'avais même pas envie de répondre à ses questions. Finalement, au bout d'un moment, je me décidai à tout de même lui donner tord. Sinon, il aurait évidemment bien compris qu'il y avait quelque chose...
Je soupirai.

-Désolée de voir une différence entre s'asseoir au sol près d'un lac et s'asseoir au sol dans une bibliothèque. Et pardonne-moi pour la peine occasionnée, mais je ne veux pas d'autographe... Je ne vois même pas pourquoi je serais intéressée.

Je bouillonnai intérieurement. Il me cherchait, et ce n'était visiblement vraiment pas mon jour. Qu'est-ce que j'aurais aimé avoir le pouvoir de le pousser dans l'eau... Ou alors simplement celui de lui foutre une belle tarte dans la tête. A côté de ça, je ne pouvais que rester assise, à le regarder me rabaisser si ouvertement. Surtout que visiblement, il avait l'air de rester là pour un bon moment encore. J'allais donc en avoir pour encore longtemps avec ses railleries désagréables au possible.

-Laisse mon Bidonville où il est, tu veux bien ?

Je le fixai, observant ses cheveux, la seule chose que je pouvais voir à vrai dire. J'avais envie de me lever, de lui faire mal... Mais quoi ? J'étais une fille, qui ne savait ni se battre, ni faire mal physiquement. Ma spécialité était dans la parole, et sur ce coup, je savais que j'allais perdre...

-Si ma présence te dérange tant que ça, tu n'as qu'à m'ignorer... Mais c'est pas parce que Môssieur à une gueule d'ange qu'il doit croire que je suis obnubilée par lui.

Je jurai intérieurement, tournant vivement la tête. Non pas pour obéir à ses ordres... Simplement parce qu'il m'énervait au plus haut point.
Je fermai les yeux, tentant de me calmer. Je me pinçai l'arête du nez, puis me forçai à faire le vide dans ma tête.
Sauf qu'évidemment, même si j'avais réussi à faire ce foutu vide intérieur, en ouvrant les yeux, sur qui serais-je tombée ? Sur cet abruti de première, qui parlait sans savoir...
D'accord, j'étais comme ça... Et je ne m'en privais pas. Mais moi au moins, j'admettais avoir un caractère pourri. J'étais au courant que j'étais détestable et glaciale, que mon visage impassible était une frontière infranchissable. Je savais tout ça... J'agissais en connaissance de cause.
... Le problème, c'est qu'il avait raison. On récoltait toujours ce que l'on semait... Je l'avais cherché, il me renvoyait la pareille.
Je rouvris les yeux, me concentrant sur l'herbe désormais toute noire. La lune perçait dans le ciel, et se reflétait avec harmonie sur le lac. Je lâchai un bref soupir, et me relevai pour m'appuyer contre un arbre. J'avais envie de m'approcher de ce lac, mais quelle reproche allait-il encore me faire...?
Je me rendis alors compte que je ne lui avais pas répondu... Comme si je lui donnais raison. Tss... Et bien dans ce cas, qu'il ait raison. Du moment que ça lui faisait plaisir. J'étais tranquille...
Je sentis brusquement une larme rouler sur ma joue. Je me frottai brutalement la joue, choquée de mon comportement. Qu'est-ce qui m'arrivait ?! Ca faisait déjà plusieurs minutes que j'avais arrêté de pleurer ! Alors pourquoi est-ce que maintenant...?!

Il n'avait rien remarqué... Cette pensée m'arracha un soupir de soulagement. Adossée à un arbre, je me redressai pour me diriger vers le lac, m'asseyant à quelques mètres de ce mec agaçant, toujours sans le regarder. J'avais bien compris que rien que par ma présence, je l'agaçais, et comme je n'avais pas envie de l'entendre, je préférais ne plus lui adresser le moindre regard.
Je me perdis un instant dans la contemplation de l'eau. Je me demandai si mes yeux brillaient du même bleu. Non, sûrement. Le lac était calme, empreint de sérénité et de douceur. J'étais froide. Juste froide.
A cette pensée, un sourire étira mes lèvres. Je me rendis compte que je ne connaissais même pas le nom de cet homme si énervant. Je tournai alors la tête vers lui, sans savoir pourquoi. Je m'étais pourtant juré de ne pas le faire... Je poussai un nouveau soupir.

-Hé, Monsieur l'Indien... C'est quoi ton nom ? Que je sache au moins qui est l'emmerdeur de mes mauvais jours.

Le... Cherokee ? C'était encore plus dur que Nashoba à retenir... Lorsque je croisai son regard, je reconcentrai immédiatement mon attention sur le lac. Il me renvoya ma question.
Je réalisai enfin que j'avais engagé la conversation. Moi. Je me passai une main sur le front, cherchant vainement à savoir si je n'étais pas fiévreuse. Ca devait être la seule explication, non ? Sinon, pourquoi est-ce que Moi, je lui aurais demandé son nom à Lui ?
En passant ma main sur mon visage pour la laisser retomber sur le sol, je sentis mes joues collantes. Je ne pus qu'espérer qu'on n'y voyait aucune trace d'une quelconque larme versée plus tôt.
Je me décidai enfin à répondre, ramenant mes genoux contre mon corps frêle, les entourant de mes bras.

-Nashoba suffira amplement.

Je laissai un faible soupir m'échapper.

-Moi c'est Diao.

Je fermai un instant les yeux. Ils étaient secs, ça me piquait...
Je les rouvris alors et me mis à quatre pattes pour avancer vers le lac. Peu importe ce qu'il disait de ma manière de me déplacer, je n'en avais rien à faire. J'étais à deux pas du lac, je n'allais pas me mettre debout pour ça...
Je m'agenouillai et me baissai pour prendre de l'eau dans mes mains, que je passai sur mon visage, histoire de me rafraîchir. Malgré cette brise tardive, j'avais... Chaud.
Je n'avais pas souvent pleuré dans ma vie, mais le peu de fois où c'était arrivé, je m'étais toujours senti aussi mal. Généralement, le mal de tête ne tardait pas à arriver après ça. Et pour une fois, je m'étais dit que si je me rafraîchissais, peut-être que le mal de tête prendrait plus de temps à venir m'enquiquiner.
Je me rassis ensuite, et tournai de nouveau la tête vers... Nashoba. Je l'observai un instant, curieuse. Il n'avait pas nié lorsque je l'avais apparenté aux indiens... Alors je supposais qu'il l'était. Or, ses yeux étaient d'un bleu profond... Et cela m'aurait étonné qu'un vrai indien pusse avoir les yeux bleus. En général ils étaient noirs, non ? Ou alors je me trompais sur toute la ligne...
Je reportai mon attention sur le lac et me risquai à demander :

-Tu as des racines indiennes, je me trompe...?

Peut-être qu'effectivement je me trompais, et qu'il n'avait pas nié simplement parce qu'il ne voulait pas plus que ça me parler, malgré son renvoi de question. Ca pouvait très bien être de la simple politesse.
Bien sûr, ma... voix, calme, me surprit grandement. Je me demandai comment, après notre première entrevue, et notre conversation qui avait précédé, je pouvais lui parler si doucement. J'avais presque l'impression que je cherchais à... Me faire pardonner ?
Je me surprenais, vraiment. Et je ne me comprenais plus... Où était passée l'ancienne moi ?

Son sourire me perturba. Je me demandais vraiment pourquoi il souriait comme ça... J'avais... Fait quelque chose ? Ou dit peut-être...
Je réfléchis un instant à sa dernière question. En réalité... Je ne savais même pas pourquoi je lui avais demandé ça. Mes actes, mes paroles... Tout m'échappait ce soir. J'agissais sans aucun contrôle, et j'étais totalement incapable de revenir à la réalité. J'avais l'impression d'être dans un rêve, et d'être destinée à suivre le chemin qu'on m'imposait, sans aucun refus. Je n'avais pas le droit au refus... Mon corps agissait, je devais suivre, et ça s'arrêtait là.
Je ne faisais qu'avoir des impressions, des ressentis... C'était ici la seule liberté que j'avais : celle de penser.
Je finis par détacher mon regard de son visage et par le poser sur mes mains blanches posées devant mes jambes repliées en tailleur devant moi. Je sentis un léger frisson me parcourir. Aller me rafraîchir dans l'eau glaciale du lac était une bien mauvaise idée... J'avais froid maintenant. Mais enfin, au moins, je n'avais pas mal à la tête. J'étais, physiquement, revenue à la normale.
Je m'aperçus alors que je n'avais pas répondu. En même temps, que répondre ? Ca ne m'intéressait pas, non. Du moins, je le pensais... Et pourtant... Tss.
Mes lèvres bredouillèrent quelques paroles, de cette même voix qui ne m'appartenait pas.

-Ca ne m'intéresse pas plus que ça... C'est de la simple curiosité.

Sauf que maintenant que j'avais cette information, je ne pouvais que me demander d'où venaient ces yeux bleus, et tous ces autres détails qui n'avaient rien d'indien. Je regardai à l'opposé de lui, attardant mon regard sur les arbres au loin.

-Si ta mère était indienne... Alors ton père était quoi ?

Je commençai réellement à me demander d'où me venait cette "douce" curiosité. En général, je n'avais voulu apprendre dans ma vie que ce qui avait blessé les gens... Simplement pour m'en servir plus tard contre eux.

Son geste me surprit tellement que j'en oubliais presque le contenu de sa réponse et son ton précédemment tranchant. Lorsqu'il avait déposé sa veste sur mes épaules, j'avais senti tout mon monde s'effondrer. Je n'avais... Tellement pas l'habitude. Oh, pourtant, j'aurais dû l'avoir. J'aurais même dû être habitué à toutes les marques d'affection que j'avais reçu jusque là. Après tout, en bonne fille de famille riche, j'aurais dû avoir eu un nombre incroyable de relations, une tonne d'amies-poupées... A la place de ça, le moindre sourire, la moindre inquiétude à mon sujet me figeai. Je ne savais comment réagir... Pour la simple et bonne raison que j'avais vécu sans tout ça. Pourtant, toute les bonnes filles de riches devenaient généralement des prostituées, libre de tout acte... C'était l'ennui. Il fallait le combler...
La seule façon que j'avais eu de le combler, ce fut par mes achats répétitifs et par les dîners organisés par tous ces gens hauts gradés.
Oh, bien sûr, j'avais eu des petits amis... Mais avaient-ils un jour éprouvé la moindre affection pour moi ? Bien sûr que non. Il aurait fallu que je sois triste pour qu'ils se débarrassent de moi. Une fille triste... C'était si dur à gérer ! C'était donc pourquoi c'était moi qui avait mis fin à toutes ces relations, sculptant peu à peu ce cœur de pierre qui faisait office d'organe vital.
Cependant, je savais. Je savais que son geste n'avait rien d'affectif. Mais c'était...
Je soupirai. Dans ce cas de figure, il était inutile d'argumenter. J'étais incapable d'expliquer pourquoi ce qu'il avait fait m'avait perturbé.

-De Chine, lâchai-je finalement, après un long silence.

Je n'avais plus envie de poursuivre la conversation. Je n'avais même pas touché à sa veste sur mes épaules. L'odeur qui s'en dégageait me paralysait. Oh, que j'étais faible ce soir-là... Si misérable. J'étais pareille à une gamine, frêle et fragile.
Depuis tout à l'heure, je fixai le sol, incapable d'en détacher mon regard. Je me détestais. Je me détestais vraiment.

Une rage inexplicable s'empara alors soudain de moi. Je ne pourrais un jour en expliquer la cause, car elle ne devait certainement pas exister. Peut-être était-ce dû à tout ce que j'avais fait ce soir et qui me dégoûtait ? Ou bien était-ce le nombre incroyable de fois où Nashoba m'avait appelé "fifille à Papa" ? Ou encore était-ce ces changements qui s'opéraient en moi sans ce que je les contrôle, simple spectatrice face à toute cette anormalité.
En tout cas, dans ma tête, tout se passa très vite. Ca se passa vite et sans que je ne pusse y faire quoi que ce soit. Je pris sa veste posée sur mes épaules et l'envoyai sur Nashoba.

-Je n'ai pas froid, crachai-je.

J'avais l'impression que je devais prouver le contraire... Que je devais lui montrer que je n'étais pas une de ses idiotes gamines à avoir froid sans raison, à avoir peur pour un rien et à idolâtrer n'importe quel homme pour peu qu'il soit beau.
Et tout ça, bien sûr... Je croyais pouvoir le lui faire comprendre en parlant simplement avec cette voix glaciale et démunie de douceur comme elle avait pu l'être tout à l'heure.
Je ne pris même pas la peine de le regarder, fixée sur l'eau du lac.

-Et arrête de m'appeler comme ça ! Je t'ai donné mon nom, je te signale !

Son rire me glaça le sang, et je le pris très mal. Mes poings se serrèrent, et je finis par les relâcher, abandonnant la rage qui avait commencé à m'envahir. Ca ne servait à rien de s'énerver... Je lâchai un soupir.

-Tu m'as inclue dans ce groupe, je ne m'y suis pas inclue toute seule.

Je tournai la tête vers lui, et l'observai un instant avant de jurer intérieurement et de me reconcentrer sur le lac. Je ramenai mes jambes contre moi, les entourant de mes bras, et tentai de me réchauffer seule, ne laissant cette fois-ci rien paraître.

-De toute façon, je parie qu'il n'y a que ta copine qui est différente. Pas besoin d'en rajouter. A côté d'elle, toutes les filles doivent être banales, je le comprends bien...

Tss.

Sa dernière réponse me surprit. En réalité, je ne m'étais pas du tout attendu à ce qu'il n'ait pas de copine. Cette idée ne m'avait pas traversé l'esprit, c'était... Je n'sais pas, amusant, peut-être. Dès ma rencontre, c'était comme si sur son front il y avait eu d'écrit "en couple" par une copine jalouse dès la moindre petite embrouille.
Aussi, je ne m'attendais pas à m'être trompée.
Cependant, une nouvelle fois encore, je fis comme si je m'y attendais et ne laissai rien paraître. Ca allait commencer par devenir une habitude... Je soupirai.

-T'aime la généralité, à ce que je vois.

Ma remarque, inutile, me parut complètement ridicule. Je me demandai carrément pourquoi est-ce que j'avais ouvert la bouche pour lâcher quelque chose d'aussi bateau. Non, vraiment... Depuis quand parlais-je comme dans une vraie discussion, avec la moitié des répliques qui ne servent à rien d'autre qu'à commenter ce que dit l'interlocuteur ? Cette presqu'erreur de ma part laissa un léger silence dans la conversation. Bah, ça ne pouvait que lui faire plaisir...
Pourquoi "presqu'erreuré ? Cette autre question s'imposa à moi. Pourquoi...? Je n'en savais, à nouveau, rien. Je ne savais même pas pourquoi je continuais à parler avec lui, à répondre, à réengager la conversation... J'avais beau me surprendre à chacune de mes répliques, je continuai à parler...
J'étais totalement déboussolée, ce soir-là.
C'est alors que cette phrase, s'échappant hors de mes lèvres, sans contrôle, s'éleva dans les airs :

-Tu oublieras cette soirée une fois que je partirais... Hein ?

Je sus, avant même d'avoir terminé de parler, que j'allais amèrement regretter cette phrase toute ma vie. Ou du moins assez longtemps pour m'en souvenir à chaque fois que je le verrais, lui.

J'étais ridicule, misérable. J'étais une fille ratée, idiote et inutile, dont l'existence même ne méritait pas d'être. Je me détestais, détestais, détestais... J'avais prononcé tous ces mots sans aucun sens... Et auxquels il avait répondu en m'enfonçant encore plus que je ne l'étais jusque là. Mes mains vinrent se serrer à mes cuisses, laissant des marques rouges et quelques traces d'ongles. Je me mordis la lèvre inférieure.
Il n'avait pas compris pourquoi je ne voulais pas qu'il s'en rappelle... Mais pourtant, il avait fini de m'achever en prononçant cette simple phrase. Si simple... Mais si destructrice, au fond.
La rage finit alors par l'emporter sur la douleur et la peine. Je restai là, assise, bouillonnant intérieurement.
Je le détestais... Non, je le haïssais.
Connaissait-il mon point faible ? Avait-il conscience de toute la douleur qu'il était capable de m'infliger à la pauvre poupée de chiffon que j'étais ce soir-là ? Savait-il au moins tout ça ?! La réponse serait alors logique : non. Pourtant, je n'arrivais qu'à lui en vouloir, reportant sur lui la faute de tous ces sentiments inexplicables qui régnaient en maître sur moi. J'étais totalement soumise, incapable de diriger un seul de mes gestes.
Incapable, du moins jusqu'à ce que je me reprenne...
Perdue dans ce ramassis de pensée, j'en avais oublié ce qui m'avait empêchée, jusque là, de faire ce que j'aurais dû faire depuis le début.
Après ces interminables secondes de réflexion, je me levai, et tournai les talons, refusant d'en entendre d'avantage. Je n'avais plus la moindre envie de rester avec lui. Décidée et surtout déterminée, j'empruntai le chemin de l'allée, espérant de tout mon cœur que je ne me perdrais pas dans cette forêt sombre. Je n'avais aucune autre alternative, de toute façon...

-Alors si elle ne te marque pas, c'est tant mieux. Au revoir.

Bonne nuit ? Ca m'aurait écorché la langue. A la prochaine ? Si je pouvais ne pas le revoir, ça ne ferait que m'arranger.