Et je suppose qu'il n'y a même pas de bain ? (libre)

Après avoir parcouru les couloirs du bâtiment abritant les dortoirs, je finis par enfin trouver les douches. Je passai la porte, et observai l'endroit d'un oeil critique. De pire en pire, je crois. Des sanitaires de camping une étoile auraient fait l'affaire.
Je poussai un long soupir, sans tenter un seul instant de masquer ma lassitude, et partis en quête de la plus grande douche.
Et là, malheur ! Quelle horrible découverte... Elles étaient toutes de la même taille.
Je suppose qu'il était également inutile de chercher des bains. Je n'aurais ainsi que perdu mon temps. Oui, c'est clair... Je n'aurais fait que perdre mon temps.
Je finis par me décider à prendre celle du coin, et je rentrai dans la cabine que je refermai soigneusement derrière moi.
Plus ça venait, et plus je regrettais d'être venue... Mais enfin, je suppose que je n'aurais pas eu d'autres alternatives. Imaginez-moi, jeune fille dans la ville de Hong Kong, avec des pouvoirs... Qu'on ne peut décrire. C'est véritablement absurde.
Une fois nue, je me glissai sous l'eau chaude. Enfin un bon point... Ils m'impressionnaient tout de même, les gens d'ici. L'eau était à température parfaite !
Et puis, en manque de distraction, mes pensées s'évadèrent de nouveau. Je m'imaginais mon frère et mes parents, seuls dans les rues de Hong Kong, ne pleurant même pas mon départ, heureux d'être débarrassée de l'être capricieux et froid que j'étais. Je grimaçai, sous un excès de rage, me mis par mégarde du shampooing dans les yeux.

-Et merde ! ne pus-je m'empêcher de pester.

Quel langage... Voilà qui me révulsait. Je me remis à correctement me laver, puis, pensant cette fois-ci à Zhen Ji qui elle, devait être triste de me quitter, j'eus enfin la chance de terminer ma toilette correctement.
C'est donc une fois propre et habillée que je sortis de la cabine où je me trouvais. Je passai devant les glaces, et me regardai un instant avant de grimacer.

-Tss...

Et puis, sans regarder où j'allais, je repris ma route et me cognai à quelqu'un. Je reculai de quelques pas, sonnée, et posai une main sur mon visage, suite au coup. Mon nez... Je relevai la tête vers l'inconnue -ce devait bien être une fille, étant donné que nous étions dans les douches pour filles- et, retirant ma main de mon visage, lançai méchamment :

-Tu pourrais regarder devant toi !

Face à sa réponse glaciale, je l'observai de haut en bas. Pour qui se prenait-elle, cette vieille, pour me répondre comme ça ? J'avais déjà un caractère bien dur à vivre, et il fallait qu'une sale... Personne vienne me provoquer. Je fronçai les sourcils, puis pris alors un air impassible. Le masque de l'indifférence à nouveau posé sur mon visage, je regardai dans les yeux cette fille qui me cherchait sans me connaître. Je souris, terriblement amusée.

-C'est ça, des lunettes et un raisonnement... Je doute qu'il y est dans cet endroit paumé des boutiques, mais si j'en trouve, je te promets de chercher les articles que tu me conseilles d'acheter !

La voix de Zhen Ji résonna en moi. Elle m'ordonnait d'être plus aimable, d'être plus polie et plus amicale... Bah. Elle n'était plus là de toute façon. Et je n'avais rien d'autre à faire ici. Tous les gens, tous sans exception, me paraissaient ennuyeux et sans intérêt. Bien peu d'entre eux devait mériter qu'on leur porte de l'attention. Alors moi, en tant que nouvelle, je devais me taire et suivre la logique ?
Merci bien, mais je n'ai pas que ça à faire.
Je l'ai déjà dit, non ? Je déteste toutes les personnes qui vivent en ce lieu maudit et sans intérêt.

-Puis-je savoir à qui j'ai à faire ?

Asuka, hein ? Je l'observai un petit instant. En fait, elle avait l'air... Je n'sais pas, du genre à se battre dès qu'on commençait à la chercher. Mais enfin, je n'aurais jamais la vantardise d'affirmer que ma capacité d'analyse fût parfaite, bien loin de là.
Je souris, amusée, et répondis d'un ton particulièrement calme.

-Diao.

Je me retins au dernier instant. Mon nom allait m'échapper... Fichue manie en Chine. Présentation complète, surtout dans ma famille... Et il semblerait qu'ici, le prénom suffise. Bah, tant mieux.
Ca m'arrange, des fois que quelques personnes ici soient originaires de Chine et que leurs connaissances en Histoire soient assez bonnes pour leur permettre d'en déduire, en fonction de mon nom de famille, que mon arrière arrière arrière (et j'en passe) grand-père fut autrefois exilé lorsqu'on découvrit que sa femme possédait des pouvoirs magiques.
Les mêmes que j'ai eu la chance d'hériter, au passage.
Je n'avais pas envie de parler, et je me tournai alors vers les miroirs, appuyai mes mains sur les côtés des lavabos et me penchai pour regarder mon reflet dans la glace. Comme si j'avais un jour aimé ce visage aux traits fins et aux pommettes délicates... Tss. J'ouvris l'eau et me passai un coup sur le visage, bien que je sortît à peine de ma douche. Je serrai ma serviette entre mes mains et me séchai.
Si cette fille voulait parler, je répondrai... Peut-être

Et bien, j'admirais véritablement l'hospitalité de tous ces gens qu'il y avait ici !
Mais enfin, puisqu'elle voulait tant que ça être aimable à mon égard alors que je n'avais pas le moins du monde exprimé l'envie de lui parler... Alors j'acceptais de faire des efforts.
J'allais au moins essayer d'être sympathique à mon tour.
Mon visage essuyé, je me tournai vers elle, et souris doucement. A, ce que ça aidait, sincèrement, d'avoir vécu dans une famille comme la mienne... Les sourires forcés, les visages heureux et tout ce genre d'hypocrisies, ce que ça me connaissait... Quoi qu'en réalité, ici, j'avais la légère, très légère même, impression d'être un peu plus sincère que je ne l'avais été avant. Parce qu'avant, tous ces invités étaient autant hypocrites que moi... Alors qu'ici, ils semblaient, ne serait-ce qu'un peu au minimum, plus sincère. Après, je n'étais sûre de rien... Tout le monde, comme moi, peut être capable de masquer la vérité sous un masque de bonté. C'est si simple de nos jours... Surtout lorsqu'on vit dans ce genre de milieu mondain et ridicule, du moins pour moi.
C'est donc souriante que je répondis calmement, retrouvant mon assurance qu'on avait déjà qualifiée de naturelle (pff...) :

-Non, je ne suis là que depuis peu... Je suppose que toi aussi ?

Je la regardai un instant, avant d'ajouter :

-Sinon tu serais déjà au rang d'au-dessus, avec ta chambre et donc Ta propre salle de bain.

Je ne pus m'empêcher de sourire à sa dernière réflexion, bien que contre mon gré. J'avais trop pris l'habitude de cacher mes sentiments, et les montrer si ouvertement... Me perturbait. Je finis par acquiescer.

-Je l'espère aussi... Il n'y en a pas ici, et c'est vraiment énervant. Je préfère nettement les bains...

Je... souris, à ma grande surprise. L'entrain de cette fille était décidément contagieux... C'était bien mauvais.

-En revanche, l'eau est chaude... C'est bien le seul point positif.

J'eus soudain... Peur. Peur qu'une pseudo-amitié naisse entre cette fille et moi... Instinctivement, je me tournai face au miroir et observai mon reflet. Tant pis si je passais pour une folle... Cette fille...
... C'était un moyen de ne plus la regarder et de ne plus voir ses mimiques, au fond.

Même son entrain... Même ça semblait m'atteindre. Je fermai les yeux un instant, me pinçant l'arête du nez... Une excuse, allez. C'est pas si compliqué ! Si...? Je retins un soupir. Pourquoi ? Pourquoi avais-je répondu, parlé avec elle ?
Zhen Ji, Zhen Ji... Je devais pensé à Zhen Ji.
C'était mon amie, la seule et l'unique. Pourquoi, pourquoi les gens d'ici ne me détestaient-ils pas ?! Je finis par trouver une excuse minable. Encore une fois, je me demandai pourquoi je n'avais pas tout simplement pas dit la vérité... Tss.
Les gens d'ici me perturbaient. Ils n'étaient pas hypocrites... Ils ne se cachaient pas derrière des sourires, derrière des "gentillesse".
Ils ne cherchaient pas à nous détruire dans notre dos...
Ils étaient trop différent.

-Un mal de tête, désolée... C'est rien.

Je soupirai, trouvant cette excuse lamentable.
Je rouvris les yeux, observant mon pâle reflet dans la glace. J'avais toujours été blanche de peau, ça pouvait facilement passer... Je me redressai et me tournai vers Asuka.

-Je fais souvent des migraines.

Je me forçai à sourire avec une légère impression de douleur, et demandai alors, histoire de changer de sujet :

-Dis, Asuka... Tu es de quelle nationalité ?

Je n'en revenais en réalité pas. Je parlais. J'engageais la conversation, je continuais, j'enchaînais... Et je ne cherchais pas un instant à la blesser dans mes paroles...
Il allait falloir que j'aille me coucher. J'avais dû me lever du mauvais pied... Une mauvaise journée, sans doute.
Bien qu'être agréable et avoir une conversation normale n'étais pas si déplaisant...
Tais-toi Diao, tu racontes de grosses conn-... Bêtises.

Elle s'inquiéta brusquement pour mon état de santé, ce que je ne m'expliquais pas. On ne se connaissait qu'à peine ! Je la défigurai presque, cherchant à comprendre d'où pouvait lui venir cette bonté soudaine. Pourquoi, oh grand pourquoi les gens d'ici étaient-ils si... Gentils ?! Ne pouvaient-ils pas être hypocrites et détestables ?! C'était dans ce monde-là que j'avais grandi ! C'était ce monde-là que je connaissais ! Pas celui de bisounours dans lequel j'étais tombé ! J'avais pas l'habitude qu'on s'inquiète pour moi, qu'on me propose de l'aide, et même du soutien... J'avais pas assez l'habitude pour réagir en conséquence !

-Ca... Ca ira... bafouillai-je d'une toute petite voix que je reconnus à peine.

J'écarquillai les yeux, surprise par ma voix. Je secouai brusquement la tête, cherchant à reprendre le contrôle de mon propre corps. Je perdais les pédales là... J'en avais trop vu en trop peu de temps... Je détournai le regard.

-Excuse-moi, c'est le... Mal de tête.

Je la regardai du coin des yeux.

-J'ai l'habitude des migraines... J'ai jamais réussi à les faire passer avec les médicaments, il faut juste que j'attende que ça se calme...!

Je me décidai enfin à répondre à son renvoi de question.

-Je suis asiatique aussi, oui... Chinoise.

J'esquivai ses premières paroles, préférant ne pas m'enfoncer dans mon mensonge... Alors qu'elle voulait vraiment faire en sorte que j'aille mieux. Elle cherchait vraiment une solution...
Elle me demanda comment était la Chine. Une ébauche de sourire étira mes lèvres.

-C'est bien, oui ! Du moment que tu as une bonne famille, des bons amis et tout ce qui s'en suit... Comme partout ailleurs !

Chose que je n'avais pas... Je n'avais qu'une amie, une. Et ça s'arrêtait là.

-Enfin, il me semble que le Japon et la Chine sont perpétuellement en guerre, non ? Ca ne m'étonne pas que tu ne sois jamais venue !

Je lui adressai un petit sourire amusé.

Les carnavals... Avec tous ces costumes traditionnels... Oui, l'ambiance était agréable, sûrement. Pour le peu de fois où j'avais pu y assister. Je soupirai intérieurement, me rendant compte pour la première fois de toutes les contraintes que j'avais eu à subir. J'avais vécu dans la Chine moderne avec les coutumes anciennes, et même carrément ancestrales... C'était une bien belle vision de la Chine, non ?
Elle me demanda alors si j'avais déjà voulu vivre dans un autre pays. Un sourire étira mes lèvres.

-La question ne m'est jamais venu à l'esprit. Je n'aurais pas eu le droit d'y aller alors... Je suis toujours restée fixer sur des choses que je pouvais avoir.

Des biens matériels... Mon sourire ne se fana pas pour autant, et je fus satisfaite de ce visage presque heureux que j'affichais dans l'instant. J'observai son air toujours enjoué avec amusement. Je ne devais pas succomber à toute cette gaieté qui émanait d'elle. Si je ne voulais pas changer... Je devais simplement la laisser passer autour de moi, sans qu'elle ne pusse m'atteindre.

-Et toi ? A part la Chine peut-être ? Tu as déjà voulu visiter un autre pays ?

A la suite de sa longue et interminable énumération, je ne pus m'empêcher de rire, bien contre mon gré.
Son entrain était bien plus que contagieux, en réalité... C'en devenait presque dangereux pour moi. Et pourtant, pourtant... Je continuai à rire. Je finis par enfin me calmer, et j'essuyai quelques larmes qui avaient coulé de mes yeux d'un revers de main.
Bien évidemment, j'évitai sa première question, profitant de sa longue tirade pour changer ni vu ni connu de sujet.

-Et l'Australie ne t'a jamais tenté ? Ou bien tu l'as oubliée ?

Je pris un petit air amusé qui m'échappa. C'était un air que je n'avais eu, jusqu'ici, qu'avec Akira... Et bien qu'avec lui ça m'eût surpris, avec elle... C'était deux fois plus étonnant.

-Moi je ne suis jamais sortie de chez moi, alors ce n'est pas mieux, tu sais.

Je secouai la tête avant de la relever avec un sourire dans sa direction. Son énergie, sa bonne humeur permanente... Je ne la comprenais vraiment pas. Et pourtant, instinctivement, je lui... Souriais. Et pis zut à la fin ! Il ne devrait y avoir que Zhen Ji pour me faire sourire ! Alors pourquoi est-ce que... Tss. Passons.

-Oui, bien sûr que je suis déjà sortie ! Accompagnée par un chauffeur et...

Je soupirai.

-Disons que j'ai privilégié les boutiques de Chine Traditionnelle.

Aussi bien en vêtement qu'en accessoire et tout ce qui allait avec...
Je me baissai alors pour ramasser mon sac de toilette qui était tombé de mon épaule lorsque j'avais bousculé cette fille. Ma serviette en main et mon sac sur l'épaule, je me tournai vers Asuka qui s'amusait à faire balancer ses jambes, perchée sur le lavabo.

-Je suis désolée, je t'ai fait perdre du temps. Tu allais prendre une douche, non ?

Un léger rire franchit mes lèvres et je la regardai avec un air étrangement rieur pour moi. Ses mimiques, son air direct et franche... A la voir si énergique, elle faisait presqu'enfant. Presque, bien entendu. Physiquement, elle avait tout d'une femme. Elle avait même plus de poitrine que moi.
Je répondis calmement :

-Non, ils ne sont pas si sales, ne t'en fais pas pour ça.

Et puis, quelque chose que je n'aurais jamais, je dis bien jamais, dit à quelqu'un d'autre que Zhen Ji sortit de ma bouche :

-En revanche, je préfère éviter de te parler de tes mains, de ton visage... Ta peau n'est-elle pas sensée être blanche normalement ?

Je ne pus retenir un petit rire quand je vis son air affolé. Puis, on échangea, sans ma permission, les rôles, et ce fut à mon tour d'être affolée en comprenant ce quelle allait être ma vengeance. J'observai pourtant, impassible, sa main se diriger vers le robinet ouvert. Enfin, quelques secondes plus tard, je me faisais trempée... Quelque chose de bien étonnant se passa alors, pour moi en tout cas. Mon rire, mélodieux et surtout sincère, s'éleva dans la salle de bain commune. Ce n'était pas un sourire forcé, pas un rire monté de toute pièce, faux et amère. C'était... Un vrai rire. Et quel étrange bien cela m'apportait de m'amuser ainsi.
Lorsqu'elle cessa de m'arroser, je secouai la tête comme un chien mouillé, faisant voler ici et là quelques gouttelettes se détachant de mes cheveux. Je lui mimai un regard noir, détournai le regard et me fixai alors sur l'image que me renvoyait le miroir à côté de moi.

-Ah ! Et dire que je viens de prendre une douche ! Tu abuses tout de même !